En revenant nous voulûmes faire halte derrière le marabout où s’était blotti le ravisseur. Les Bédouins ont la vue plus étendue que nous ; du fond de la grande plaine ils nous avaient vus partir et avaient suivi tous nos mouvements. Comme nous devisions sur l’aventure qui nous avait mis en si grand émoi, nous vîmes apparaître trente cavaliers. Un d’eux se détacha : j’envoyai mon drogman et mon guide à sa rencontre ; tous trois parlementèrent quelques instants ; le cheik se tenait immobile entre les cavaliers et nous. Bientôt mon drogman vint m’annoncer que nous n’avions rien à craindre, si je consentais à changer de route.
« Pourquoi ? dis-je.
— Le cheik et tout le douar ne veulent pas que nous repassions à l’endroit où le Bédouin a été tué.
— C’est bien. »
Le cheik me remercie, s’en retourne au galop près de ses cavaliers, leur fait faire volte-face, et nous les voyons s’éloigner au pas, toujours le fusil au poing et la tête dirigée de notre côté.
« Bonsoir, allez au diable ! »
Je n’aime pas les aventures sanglantes inutiles, ni ce genre d’émotions, ni ceux qui nous assurent dans leurs romans qu’ils aiment à courir au-devant. Le courage est bon à propos, à sa place, en son temps, lorsqu’il est nécessaire. Hors de justice et de raison, ce n’est que forfanterie, et peut-être quelquefois instinct de cruauté.
Nous passons encore un jour à la ville du Zaghouan ; je prends quelques notes, et après une bonne nuit de repos nous nous acheminons droit sur Tunis.
J’ai raconté mon aventure à M. Léon Roches. Il m’a fait faire un rapport exact de ce petit drame, et je crois que le bey a envoyé chatier cette tribu, en lui imposant une forte rançon.
Un mois après j’avais reproduit en tableaux les monuments des sources. Sa Hautesse me gratifiait princièrement, et, pour gage de sa haute considération, me priait d’accepter la croix d’officier de son ordre.
Je me reposai quinze jours, et par une belle matinée de septembre je dis adieu à la Marsa ! Le départ, quand on revient vers la patrie, est un de ces moments où il se livre dans le cœur une sorte de combat qui n’est ni sans plaisir ni sans peine. Je ne pouvais pas me séparer froidement de cet admirable pays, mais j’allais revoir la France.
qui seraient tout à fait disproportionnées avec les ressources très-restreintes de la régence dont le budget atteint à peine vingt millions de francs : elle serait donc impossible. D’un autre côté, elle serait inutile, car le système et l’avantage du siphon permettent de remplacer par de simples tuyaux emboîtés les uns dans les autres et disposés sous le sol, ces magnifiques arcades que les Romains, maîtres du monde et riches de toutes les richesses de l’univers conquis, ont semées çà et là avec tant de prodigalité et de grandeur sur la surface de leur vaste empire, mais qu’un petit bey de Tunis ne peut ni construire à leur exemple, ni même restaurer. Le rétablissement de l’aqueduc de Carthage a donc été commencé et est exécuté en ce moment d’après le plan suivant. Là où le canal de l’aqueduc s’enfonce sous le sol, il est presque partout assez bien conservé, et, pour le restaurer, il ne s’agit que d’enlever les terres qui l’ont en partie comblé et d’en réparer les parois et les voûtes. Là, au contraire, où les plaines et les vallées succèdent aux collines, il sort lui-même du sol et apparaît supporté dans les airs sur des arcades dont la hauteur est d’autant plus grande que les vallées sont plus profondes ; on se contente de poser dans la terre d’énormes tuyaux en tôle bitumée où l’eau coulera pour remonter ensuite d’elle-même, en vertu d’une loi physique bien connue, jusqu’au niveau du canal antique. »