Page:Le Tour du monde - 12.djvu/10

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de l’automne, les brumes augmentent, la pluie se change en neige ; le soleil s’élevant de moins en moins au-dessus de l’horizon, sa clarté s’affaiblit encore. Le 23 août l’astre se couche pour la première fois dans le nord : cette première nuit n’est qu’un crépuscule prolongé ; mais à partir de ce moment la durée des jours diminue rapidement ; enfin, le 26 octobre, le soleil descend dans la mer pour ne plus reparaître. Pendant quelque temps encore le reflet d’une aurore qui n’annonce plus le lever du soleil illumine le ciel aux environs de midi, mais ce crépuscule devient de plus en plus court et de plus en plus pâle, jusqu’à ce qu’il s’éteigne complétement. La lune est alors le seul astre qui éclaire la terre, et sa lumière blafarde, réfléchie par les neiges, dévoile la sombre tristesse de cette terre ensevelie sous la neige et de cette mer figée par la glace.

Mais d’autres clartés remplacent celle de la lune, ce sont celles des aurores boréales qui, fortes ou faibles, se montrent toutes les nuits pour l’observateur attentif. Tantôt ce sont de simples lueurs diffuses ou des plaques lumineuses, tantôt des rayons frémissants d’une éclatante blancheur, qui parcourent tout le firmament, en partant de l’horizon comme si un pinceau invisible se promenait sur la voûte céleste : quelquefois il s’arrête ; les rayons inachevés n’atteignent pas le zénith, mais l’aurore se continue sur un autre point ; un bouquet de rayons s’élance, s’élargit en éventail puis pâlit et s’éteint. D’autres fois de longues draperies dorées flottent au-dessus de la tête du spectateur, se replient sur elles-mêmes de mille manières et ondulent comme si le vent les agitait. En apparence elles semblent peu élevées dans l’atmosphère, et l’on s’étonne de ne pas entendre le frôlement des replis qui glissent l’un sur l’autre. Le plus souvent un arc lumineux se dessine vers le nord ; un segment noir le sépare de l’horizon et contraste par sa couleur foncée avec l’arc d’un blanc éclatant ou d’un rouge brillant qui lance les rayons, s’étend, se divise et représente bientôt un éventail lumineux qui remplit le ciel boréal, monte peu à peu vers le zénith, où les rayons en se réunissant forment une couronne, qui, à son tour, darde des jets lumineux dans tous les sens. Alors le ciel semble une coupole de feu ; le bleu, le vert, le rouge, le jaune, le blanc se jouent dans les rayons palpitants de l’aurore. Mais ce brillant spectacle dure peu d’instants : la couronne cesse d’abord de lancer des jets lumineux, puis s’affaiblit peu à peu ; une lueur diffuse remplit le ciel ; çà et là quelques plaques lumineuses semblables à de légers nuages s’étendent et se resserrent avec une incroyable rapidité comme un cœur qui palpite. Bientôt ils pâlissent à leur tour, tout se confond et s’efface, l’aurore semble être à son agonie ; les étoiles que sa lumière avait obscurcie brillent d’un nouvel éclat et la longue nuit polaire, sombre et profonde, règne de nouveau en souveraine sur les solitudes glacées de la terre et de l’Océan. Devant de tels phénomènes le poëte, l’artiste s’inclinent et avouent leur impuissance, le savant seul ne désespère pas : après avoir admiré ce spectacle, il l’étudie, l’analyse, le compare, le discute, et il arrive à prouver que ces aurores sont dues aux radiations électriques des pôles de la terre, aimant colossal dont le pôle boréal se trouve dans le nord de l’Amérique septentrionale, non loin du pôle du froid de notre hémisphère, tandis que son pôle austral est en mer au sud de l’Australie près de la terre Victoria.

Quelques indications suffiront pour prouver la nature électro-magnétique de l’aurore boréale. Au Spitzberg, une aiguille aimantée suspendue horizontalement à un fil de soie non tordu est tournée vers l’ouest : dès le début de l’aurore, le physicien qui observe cette aiguille s’aperçoit qu’au lieu d’être sensiblement immobile, elle semble en proie à une inquiétude inusitée et se déplace rapidement à droite et à gauche, et de gauche à droite. À mesure que l’aurore devient plus brillante l’agitation de l’aiguille augmente, et sans sortir de son cabinet l’observateur juge de l’intensité de l’aurore boréale par l’amplitude du déplacement de l’aiguille : enfin quand la couronne boréale se forme, son centre se trouve précisément sur le prolongement d’une autre aiguille magnétique librement suspendue sur une chape et orientée dans le sens du méridien magnétique ; elle n’est point horizontale, mais inclinée vers le pôle magnétique et se nomme aiguille d’inclinaison. Les aurores boréales sont donc intimement unies aux phénomènes magnétiques du globe terrestre, et il était réservé à M. Auguste de la Rive, de réaliser expérimentalement les principaux phénomènes de l’aurore boréale sur une boule de bois représentant le globe terrestre et convenablement électrisée.

Presque toutes les nuits polaires sont éclairées par des aurores boréales plus ou moins brillantes ; mais à partir du milieu de janvier, le crépuscule de midi devient plus sensible, l’aurore annonçant le retour du soleil, s’agrandit en montant vers le zénith ; enfin le 16 février un segment du disque solaire, semblable à un point lumineux, brille un moment pour s’éteindre aussitôt ; mais à chaque midi le segment augmente jusqu’à ce que l’orbe tout entier s’élève au-dessus de la mer ; c’est la fin de la longue nuit de l’hiver ; des alternatives de jour et de nuit se succèdent, pendant soixante-cinq jours, jusqu’au 21 avril, commencement d’un jour de quatre mois, pendant lesquels le soleil tourne autour de l’horizon sans disparaître au-dessous.


Constitution physique et géologique du Spitzberg.

Spitzbergen, montagnes pointues, tel est le nom que les navigateurs hollandais donnèrent à ces îles qu’ils venaient de découvrir, et en effet de la mer on ne voit que des sommets aigus aussi loin que la vue peut porter : ces montagnes ne sont pas très-élevées, leur altitude varie entre 500 et 1 200 mètres : partout elles s’avancent jusqu’au bord de la mer, et il n’existe en général qu’une étroite bande de terre qui forme le rivage. Aux deux extrémités de l’île, au nord et au sud, le sol est moins accidenté, les vallées sont plus larges et le pays prend l’aspect d’un plateau. Trois de ces baies profondes et ramifiées appelées fiords par les Norvégiens découpent la côte occidentale du Spitzberg. Ce sont, du sud