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fut le fameux ras Mikaël surnommé Saoul ou l’aigu[1]. Un jour qu’il était à sa croisée, une balle, partie d’une fenêtre du palais impérial, lui rasa l’épaule et tua derrière lui un de ses officiers. Mikaël, dit froidement : « Je sais à qui cette balle était destinée, » et le soir il se rendit au palais accompagné de ses fidèles, ordonna de saisir le négus Joas, et le fit étrangler.

Cette version, à l’exactitude de laquelle j’ai des raisons de croire, est en complet désaccord avec celle de Bruce, qui était lié avec Mikaël et n’aurait pas manqué de mettre en relief cette circonstance du droit de légitime défense, s’il l’avait connue.


Cataracte d’Antena Kirkos. — Dessin de Eugène Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Un coteau qui, par son coteau sud fait face à Gondar et est aujourd’hui dépourvu d’habitations, porte le nom bizarre de Tigre mitchohiya (le cri des Tigréens). C’était jadis un faubourg, où les négus, craignant l’esprit brouillon et séditieux des Tigréens, les avaient prudemment confinés. Il leur était défendu, en cas d’appel au négus, de venir crier devant le palais comme les autres Abyssins, mais à une certaine heure du jour, le souverain se mettait à une fenêtre qui donnait sur ce faubourg ; et tout Tigréen qui voulait faire clameur de haro n’avait qu’à agiter une pièce de toile blanche pour être aussitôt appelé devant son grand juge. On dit qu’après l’assassinat de Joas, ras Mikaël ayant pris place sur l’alga impérial, jeta les yeux sur le faubourg des Tigréens, et demanda pour quel motif ses compatriotes avaient été parqués là.

« Sire (Djan-hoï), lui répondit Lik Asgo qui avait son franc parler, c’est pour les empêcher de tenter justement ce que vous venez de faire. »

Nul n’était plus jovialement cynique que ce Lik Asgo,

  1. C’est celui que Bruce nomme Michel Suhul, et qui a été son protecteur en Abyssinie.