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Yomuts une ambassade pacifique ; ils proposaient enfin une réconciliation, et lorsqu’elle serait conclue, une alliance offensive qui leur permît de tomber, avec leurs forces combinées, sur leur ennemi commun, c’est-à-dire le Persan. Comme je dois revenir un peu plus loin sur cette transaction politique, je me bornerai à dire que c’était là, pour nous, une circonstance éminemment favorable. Il me fut expliqué qu’il existait, d’Etrek à Khiva, trois différentes routes entre lesquelles on avait à choisir, suivant la manière dont les caravanes étaient composées et surtout selon qu’elles étaient plus ou moins nombreuses. Voici ces trois routes : 1o La première longe le bord de la mer Caspienne en passant derrière le Balkan supérieur, direction qu’elle suit au nord de ces montagnes pendant deux journées de marche ; puis, après dix autres étapes, le voyageur se dirige du côté de l’orient, où se trouve Khiva. Ce chemin n’est accessible qu’aux plus petites caravanes, par la raison que l’eau s’y rencontre très-rarement ; mais en revanche on n’a guère à craindre d’y être attaqué, si ce n’est aux époques de troubles extraordinaires, ou les Cosaques (Kirghiz) et les Karakalpaks envoient leurs alaman de ce côté.

2o La route moyenne suit aussi la direction du nord, mais seulement jusqu’à l’ancien lit de l’Oxus, et passant alors entre les deux Balkans, le Grand et le Petit, elle tourne au nord-est, du côté de Khiva.

3o La troisième est de beaucoup la plus directe et la moins longue, puisque la première exige vingt-quatre jours, la seconde vingt, et que celle-ci peut être faite en quatorze étapes. Dès qu’on est sorti d’Etrek, on prend la direction du nord-est en traversant les pays habités par les Turkomans Göklen et Tekke. À chaque station se rencontrent des sources ou puits d’eau douce ; mais pour que le transit soit possible, il faut naturellement vivre en bons termes avec les tribus que je viens de nommer, et si la caravane compte moins de deux à trois mille hommes, elle ne peut guère se promettre une sécurité complète.


Un puits dans le Désert (entre Samarkand et Karshi). — Dessin d’Émile Bayard d’après Vambéry.

Ma joie fut grande quand je vis les difficultés s’aplanir ainsi, et lorsqu’un messager d’Ata Bay vint nous avertir dans la soirée que le kervanbashi, s’apprêtant à lever le camp dès le lendemain matin, nous donnait rendez-vous pour le jour suivant, à midi, sur l’autre bord de l’Etrek ; nous allions donc commencer ensemble la traversée des grands Déserts. Ilias nous mit tous en demeure de compléter nos préparatifs dans le plus bref délai possible. Dès le soir même, en conséquence, chacun mit en bon ordre sa provision de pain, et nous passâmes au sel, une fois de plus, les quartiers de chameau que les nomades nous avaient donnés en échange de nos fréquentes bénédictions.

A. Vambéry.
Traduction de Forgues.

(La suite à la prochaine livraison.)