Page:Le Tour du monde - 15.djvu/132

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ne fut besoin de lui demander à quelle caste il appartenait ; à son masque large et arrondi, à ses petits yeux bridés par les coins, à l’ampleur et à la carrure de ses mâchoires, j’avais reconnu le type Umaüa. Je n’eus d’ailleurs qu’à comparer les traits de l’homme avec les têtes d’Omaguas que je gardais dans mes cartons, pour être tout à fait fixé sur la nationalité du sujet.


Indien Mesaya et son dieu Buêqué.

Le soir venu, après le souper et une ration de tafia que je délivrai à la ronde et qu’on trouva d’excellent goût comme politesse et comme boisson, les langues de nos hôtes se délièrent ; chacun eut à cœur de répondre aux diverses questions que je lui adressai. Ces questions eurent trait à la rivière Japura et aux tribus qui peuplaient autrefois ou qui peuplent encore ses rives. La conquête portugaise avait passé sur elles comme un typhus. Sur trente nations qu’on y comptait au milieu du dix-huitième siècle[1], vingt-quatre avaient succombé aux atteintes de cette civilisation démoralisatrice. Des six nations survivantes, celles des Yuris (Juris), des Passés et des Chumanas (aliud Xomanas), s’étaient dirigées vers la rivière Iça ou Putumayo ; les Umaüas-Mesayas

  1. Dans le relevé de la situation anthropologique du Haut-Amazone qu’on trouvera plus bas, nous donnons la liste nominative de ces nations du Japura, tout en engageant le lecteur à ne l’admettre comme nous que sous réserve. La manie des premiers explorateurs espagnols au Pérou de donner à des tribus ou des familles de la même nation, le nom de la rivière, du lac ou du site dans le voisinage duquel ils les apercevaient pour la première fois, cette manie, que déjà nous avons signalée, dut leur être commune avec les conquérants et les religieux portugais au Brésil. De là, ces nombreuses tribus que les itinéraires du dix-huitième siècle placent sur les bords de chaque rivière et dont un tiers peut-être serait à retrancher, si les moyens de vérification ne faisaient défaut aujourd’hui.