à la main ; ces pénitents se sont confessés d’abord ailleurs ; d’autres vont se confesser directement au cardinal. Au coup de baguette sont attachés cent jours d’indulgence. Le voyageur consciencieux va généralement recevoir un petit coup sur la tête. C’est là aujourd’hui ce qui constitue le grand pénitencier ordinaire dans les basiliques romaines ; à côté de celui-là, il y a le grand pénitencier solennel de la semaine sainte, qui s’entoure de formes plus imposantes, qui connaît de péchés plus graves, et qui a lieu à Saint-Pierre dans les journées du mercredi, jeudi et vendredi saints.
Je sortis de Saint-Jean de Latran par la grande porte,
précaution à double but :
ne pas trop voir la façade
et revoir en plein le beau
panorama de la campagne
romaine ; je pris la longue
avenue gazonnée qui joint
Saint-Jean à Sainte-Croix
de Jérusalem, et au milieu
de la plus entière solitude,
j’arrivai à cette dernière
basilique. Le dehors, très-pittoresque
par lui-même
et par son entourage, vaut
bien mieux que le dedans ;
cette basilique a été élevée
par sainte Hélène sur
les anciens jardins d’Héliogabale,
et son nom lui
vient d’un morceau de la
vraie croix que Constantin
envoya pour déposer dans
le trésor de cette basilique.
Les seules choses curieuses
sont : le vestibule
ovale, d’une forme élégante,
mais très-nu et
froid, et au dedans, une
belle mosaïque au-dessus
de l’autel, avec des peintures
et fresque par Pinturicchio,
sur l’arcature qui
ferme la nef. Le sacristain
qui, partout à Rome,
est là prêt à saisir et à
Garde suisse du pape. — Dessin de A. de Neuville.
guider le voyageur, voulut absolument faire son métier
en conscience ; il me fit descendre dans la chapelle souterraine,
dite de sainte Hélène ; le sol en a été formé
en partie par de la terre rapportée de Jérusalem ; cette
chapelle, fermée d’une grille, est toujours interdite
aux dames ; chose fréquente à Rome et qui semble
amuser beaucoup les sacristains, je ne sais pourquoi.
Le sacristain me conduisit ensuite dans l’ancien amphithéâtre
qui joint la basilique ; le dedans est à demi
comblé, et est consacré à la culture maraîchère destinée
à la subsistance des religieux de Sainte-Croix.
Du côté de la basilique, on aperçoit les ruines du
temple de Vénus qui était, dit-on, au milieu des jardins
d’Héliogabale. La vraie place pour bien jouir
de la vue de Sainte-Croix est en dehors de la porte
Saint-Jean de Latran ; de là, les ruines se massent
d’une façon très-pittoresque. Le couvent est occupé par
les religieux cisterciens ; ils ont chez eux une petite
industrie pieuse à l’intention des voyageurs ; ils fabriquent
des clous à l’imitation de ceux de la vraie croix :
ce sont des clous longs d’environ vingt à vingt-cinq centimètres,
quadrangulaires, avec une forte capsule hémisphérique
formant la tête ; lorsque l’on est protégé par
une recommandation influente, on peut obtenir l’insertion,
dans la capsule du
faux clou, de quelques
parcelles limées sur le
clou véritable qui est conservé
à Sainte-Croix ; c’est
ainsi, dit-on, qu’auraient
été multipliés, outre mesure
et raison, les soi-disant
vrais clous de la
Passion ; ils ne seraient
généralement que de faux
clous renfermant des vraies
parcelles, et les vrais clous,
au nombre de quatre, seraient
actuellement répartis
comme suit : un à
Sainte-Croix de Jérusalem,
un à Saint-Pierre de
Rome, un à Notre-Dame
de Paris, et un forgé en
forme de lamelle insérée
dans la couronne de fer.
Je quittai la basilique Sainte-Croix en suivant la vieille muraille qui relie le temple de Vénus à la porte Majeure ; le chemin désert, comme abandonné, passe sous les arcades de l’aqueduc de Néron qui, venant au travers la campagne romaine, se bifurque, longe les murailles d’une part, et traverse de l’autre la villa Volkonski ; rien de beau comme ces quartiers avec leurs longues arcades rouges, à demi couvertes de lierre ; l’eau qui gronde dans les conduits s’échappe parfois en nappes formant cascades. Tout ce quartier est désert, et cependant je suis à la porte Majeure ; mais c’est justement cette opposition de la ruine, du désordre, avec le luxe de certaines parties, qui constitue un des plus grands charmes de Rome.
Je longe les Trophées de Marius, sorte de vieux reste assez insignifiant et qu’on peut décorer de tous les noms qu’on voudra ; il est assez méconnaissable pour pouvoir se prêter à une restauration quelle qu’elle soit ; puis,