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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/24

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jours avant de me laisser pénétrer jusqu’à Kamrasi. Je répondis que tous ces délais étaient intolérables et que j’allais immédiatement partir. Cette menace, dont le résultat pouvait être le supplice de tous les chefs, les effraya au point qu’ils consentirent à faire immédiatement transporter tous mes gens sur la rive gauche ; ce qui ne fut achevé que le lendemain.

Enfin le 31 janvier, nous quittâmes Atada, en traversant un pays bien cultivé et nourrissant de nombreux bananiers plus grands que ceux de Ceylan.

Jusqu’ici nous n’avions pu guère obtenir de renseignements sur ce Louta N’zigé, principal objet de nos recherches. La crainte empêchait d’en parler, jusqu’aux enfants ; ou n’avait même pas voulu nous dire à quelle distance il se trouvait ; pourtant nous avions entendu dire qu’il est plus grand que le Victoria N’yanza, mais qu’il reçoit, comme celui-ci, des rivières qui ont leur source dans la grande montagne Bartouma, que l’on m’indiquait dans le sud-ouest. Cette appellation désigne certainement le mont M’fombira du capitaine Speke.

Ma femme et moi fûmes atteints de fièvres bilieuses au commencement de février. La poltronnerie de Kamrasi retardant notre voyage, nous clouait dans un lieu malsain et il me fallut encore menacer de m’en retourner pour obtenir d’avancer avec toute ma caravane et cinq des hommes d’Ibrahim. Enfin, le 10 février, nous arrivâmes a M’Rouli, capitale de l’Ounyoro.


Sa Majesté Katchiba en voyage (voy. p. 18). — Dessin de A. de Neuville.

Nous nous laissâmes transporter à la rive droite du Kafour, non loin de son confluent avec le Somerset. On nous y logea dans des huttes malpropres, situées au milieu d’un affreux marécage, ou nous nous trouvions comme prisonniers, tandis que nos bagages avaient été retenus sur le bord opposé de la rivière. C’était cependant là que Speke et Grant avaient été aussi logés.

M’rouli, que nous avions aperçu en passant, n’est qu’un grand village de huttes faites d’herbe et de paille, sur le penchant d’une colline aride.

Le 11, l’arrivée de la nombreuse escorte du roi effraya tellement les Turcs d’Ibrahim que, sans le sang-froid que j’avais conservé, un combat se serait engagé. La fièvre m’avait assez affaibli pour que je dusse me faire transporter auprès de Kamrasi, ou plutôt de celui qui se présentait en son nom ; car, durant toute cette période de mon voyage, ce lâche monarque avait si peur de nous qu’il fit jouer son rôle à notre insu par un tiers. Je trouvai celui-ci assis sur un tabouret de cuivre. Sans être noir, il avait le teint foncé d’un Abyssin et sa taille mesurait six pieds anglais. Il s’excusa des retards incommodes qu’il nous avait imposés, sur la trahison qu’il avait éprouvée l’année dernière de la part de la bande de Debono. Quand je le questionnai sur le Louta N’zigé, il se mit à rire, en me disant que ce lac ne s’appelait pas ainsi mais bien M’woutan N’zigé, et il ajouta que je ne pourrais m’y rendre que par une marche de six mois. — « Peu importe, répliquai-je. Je dois m’y rendre ; car ma santé ne se rétablira que quand je serai près de ce lac ; or c’est de ma santé et de ma conservation que dépend le traitement que l’Ounyoro peut attendre de l’Angleterre ; car si je mourais ici, vous en seriez responsable. »

Alors il me proposa de l’assister contre Rionga, ce C” /Il/7