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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/378

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ce serait chose très-facile, à qui se délecterait de prendre tels animaux, de les mettre aux abois, et en tuer tant qu’on voudrait, à cause que le pays n’est pas battu, et ne se trouve personne qui leur donne la chasse : et ne sont les fères (à ce que j’ai entendu dire) aucunement molestés, ni nuisibles : combien que les habitans ne s’en tiennent pas fort assurés. Et advint une fois en un lieu, qui s’appelle Camarva, distant de Barua par l’espace d’un mille, qu’un lion se transporta par cas d’aventure à la porte d’une étable de vaches, où il trouva un homme dormant, avec un sien petit-fils, lequel (sans être aperçu de personne et sans offenser l’enfant aucunement) il étrangla, puis lui mangea le nez et ouvrit l’estomac, qui donna grand épouvantement aux gens du pays, craignant que ce lion étant ainsi encharné sur les hommes ne fît grand mal. Toutefois, ainsi qu’il a plu au Seigneur, on n’a depuis ouï dire qu’il en soit advenu aucun inconvénient. Cependant, nous prenions le plaisir de la chasse, fort près de ce lieu, sans jamais rencontrer aucun lion : mais bien des panthères, et tigres, qui ne nous faisaient aucun déplaisir, ni nous à eux.


Fusilier abyssin (voy. p. 354). — Dessin de Émile Bayard d’après M. Lejean.

« Les habitans de Barua, et leurs circonvoisins ont coutume de se ranger. dix, douze et quinze ensemble dans une cour muraillée et bien fermée, laquelle n’a qu’une entrée, et là enferment les vaches, desquelles ils tirent le beurre, et le lait, avec l’autre menu bestial, comme brebis, ânes et mulets. Et avec ce qu’ils tiennent toujours la porte serrée toute la nuit, ils font encore des feux à la porte, tenant des gens pour faire la garde, de peur que leur bestial ne soit surpris et dévoré par les bêtes sauvages qui côtoient de loin leurs habitations ; tellement que si on ne tenait cet ordre, ils ne sauraient garder une bête que tout ne fût dévoré : et sont ceux-ci de Barua avec leurs voisins, qui vont labourer les terres et semer le millet sur la montagne du monastère de la Vision, trois mois avant l’hiver général : ce qu’ils font pour deux raisons, dont la première est pour ce qu’ils se trouvent prochains de la mer, par où passent tous les vivres, qu’on transporte à la Mecque, au Tor, à Ziden, et par toute l’Arabie et les Indes. Dont ceux-ci, ayant beaucoup de sortes de semences et grains, tâchent à trouver lieu pour en avoir délivrance. La seconde cause est que l’année apporte deux hivers en ce pays, qui sont divisés par temps, avec ce que les blés ne peuvent croître, sinon à force d’eau. Par quoi les habitants de Barua laissent leur terroir, pour aller semer les millets à la montagne de la Vision, là où est l’hiver pour lors, qui dure tout le mois de février, mars et avril : régnant ce même temps en une terre au domaine de Barnagas, qui se nomme Lama, loin de la montagne de la Vision, environ huit journées.

« Il y a deux églises en ce lieu de Barua, fort grandes, et riches, près l’une de l’autre, dans lesquelles sont entretenus plusieurs prêtres, et en l’une desquelles (qui s’appelle Saint-Michel) demeurent les hommes ; et l’autre, qui prend son nom des deux apôtres, est habitée par les femmes. Et, dit-on, que celle où demeurent les prêtres, fut érigée par un grand seigneur, qui était pour lors Barnagas, lequel ordonna que nulle femme n’y entrerait, sinon celle des Barnagas avec une chambrière : et ce lors seulement quand elles se voudraient communier. Ce que toutefois sa femme refusa, ne voulant être plus autorisée en ces matières-là que les autres de son sexe, qui demeurent à la porte dans le circuit, qui est devant l’église, là ou elles reçoivent leur sacrement avec les gens laïcs, devant la porte de l’église des Apôtres. »

Poncet, qui vient un siècle et demi après Alvarez, décrit ainsi la même ville :

« Dnvarna (sic) est divisé en deux villes, la haute et