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Page:Le Tour du monde - 16.djvu/109

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vière du bois — que lui donnèrent Pedro Teixeira et ses compagnons dans leur voyage à Quito. Le nom de Madeira fit oublier celui de Cayari qu’il avait porté jusqu’alors.

À cette époque, l’embouchure du Madeira et le canal qui le fait communiquer avec l’Amazone[1], étaient habités par les débris de la grande nation Tupiou Tupinamba, que les Portugais, à leur arrivée au Para, avaient trouvée établie sur la rive droite du Bas Amazone[2]. D’humeur farouche et belliqueuse, ces indigènes ne subirent le joug des conquérants qu’après trois ans de lutte à main armée, la perte d’un grand nombre d’entre eux et la destruction de la plupart de leurs villages. Tandis qu’une partie des survivants allait peupler par ordre, une mission de la Bahia do Sol — aujourd’hui Collares — l’autre partie émigrait vers le Haut Amazone, se fixait à l’entrée du canal du Madeira, auquel elle a laissé son nom, et où Pedro Teixeira qui la croyait éteinte, fut tout surpris de la trouver à son retour de Quito[3].

À mesure que les Portugais s’enracinèrent dans le pays, les Tupinambas s’en détachèrent. Quelques années après le passage de Pedro Teixeira, les individus de cette nation établis dans le canal du Madeira autour du lac Vaïcorapa, étaient dépossédés de leurs domaines, baptisés d’urgence et envoyés, au nom du Roi, sur la rivière Tapajoz pour peupler la ville de Boim récemment fondée. En ces temps bienheureux, peupler une ville au nom du Roi ou ramer sur les galères de Sa Majesté, était synonyme pour des Peaux-Rouges.

Depuis deux siècles les Tupinambas ont disparu du Brésil, mais leur idiome est resté la langue courante de deux ou trois provinces de cet empire, et notamment de celle du Para. Comme cet idiome à part quelques variantes sans importance, est celui que parlent encore aujourd’hui les Guaranis-Chirihuanos, anciens transfuges du Paraguay, établis depuis le commencement du dix-septième siècle au pied des Andes Boliviennes, on nous permettra de considérer, jusqu’à preuve du contraire, les Tupis et les Guaranis comme une seule et même nation que des circonstances locales forcèrent jadis à se démembrer.

Les quelques mots de l’idiome Tupi que nous intercalons dans notre texte, éviteront aux philologues la fatigue et l’ennui d’aller à la recherche de ces vocables, et leur permettront, en outre, de confronter cet échantillon da lengea geral do Brazil avec les échantillons d’idiomes américains que déjà nous avons donnés.


IDIOME TUPI.
Dieu, Tupana. rame, apucuytana.
diable, yurupari. corbeille, erusanga.
ciel, uttaca. fil, inimu.
soleil, coracé. coquillage, itanga.
lune, yacé. arc, uirapara.
étoile, yacétata. flèche, uëna.
tonnerre, tupa. massue, uisaranga.
éclair, tupa uira. hameçon, pinda.
jour, ara. poison, urari.
nuit, putuna. bêche, tasera.
matin, cuema. banc, apuicaüa.
hier, coïsé. peigne, quihuau.
aujourd’hui, oyara. pot, camuti.
demain, huirandé. plantation, tenau.
eau, ê. manioc, macachêra.
feu, tata. pira. maïs, ahuati.
pluie, amana. banane, pacoa.
froid, irusanga. ananas, nana.
chaud, sacu. patate douce, yutica.
terre, euê. coton, amaniou[illisible].
tremblement de terre, uiucataca. tabac, petema.
pierre, itaqué. rocou, urucou.
montagne, uitera. fleur, putira.
sable, iqui. liane, sipo.
rivière, parana. herbe, capiin.
gorge (quebrada), igarapé. cire, irariputi.
forêt, caá. miel, ira.
arbre, muira. tigre, yahuaraté.
bois, yapeüa. sanglier (pécari), tayasu-capuera.
vie, sequé. cochon, tayasu-memon.
mort, umanu. chien, yahuara.
homme, apegasa. singe, macaco.
femme, cuñha. caïman, yacaré.
enfant, taüna. chauve-souris, anuira.
vieux, tuisé. tortue de terre, iauti.
vieille, oaïmi. tortue d’eau, yurara.
jeune, coromin. pusasu. oiseau, huara.
père, ipaya. perroquet, parahua.
mère, imaya. canard, ipéca.
frère, quihuira. poule, sapucaya.
sœur, sènèra. coq, sapucaya-apegasa.
mari, iména. œuf, supia.
femme, chimirico. poisson, pira.
tête, iacan. serpent, boya.
œil, sesa. papillon, panama.
nez, apuiñha. mouche, meru, tumbera.
oreille, nami. moustique, carapana.
bouche, yaru. cigale, iaquirana.
dent, sañha. abeille, muirera.
langue, apeco. fourmi, tachua[illisible].
menton, saïua. blanc, murutinga.
cou, ayura. noir, pichuna.
épaule, yatil. rouge, piranga.
bras, iua. jaune, tahua.
main, po. bleu, suquira.
estomac, pea. vert, » »
sein, camui. voleur, munaüasu.
ventre, marica. ouvrir, piraré.
nombril, peruan. attacher, pucuaré.
intestin, ibachu. rôtir, mexira.
cuisse, huera. courir, nhana.
genou, senepua. arriver, usica.
jambe, teman. sortir, usema.
pied, pui. dormir, quera.
cheveu, ahua. réveiller, paca.
poil, sahua. manger, amaü.
maison, oca. un, iépé.
pirogue, igara. deux, mocoën.
  1. Ce canal situé dans l’intérieur du Madeira, à dix lieues de son embouchure et sur sa rive droite, est appelé Uraïa dans sa partie supérieure, et Tupinamparana (rivière des Tupinambas) dans sa partie inférieure. Sa longueur est d’environ trente-deux lieues ; sa largeur varie de cent cinquante à trois cents mètres. Les pilotes brésiliens, qui l’appellent indifféremment Furo dos Abacaxis ou dos Tubinambas, rappellent sans s’en douter une des pages lugubres de leur histoire. Deux ou trois étiers dont le plus large est le furo Coroïé, coupent par autant de tangentes la courbe décrite par le Tupinamparana et le font communiquer avec l’Amazone. Ce canal reçoit dans son parcours le trop-plein de huit lacs alimentés par des rivières (igarapés) venues de l’intérieur. Les plus grands de ces lacs sont ceux de Canoma, d’Abacaxis, de Maüé et de Uaïcurupa où Vaïcorapa.
  2. Venue des contrées du sud qu’elle semble avoir adopté pour lieu de résidence, lors de la grande émigration des peuples de l’hémisphère nord, la nation Tupi habita longtemps l’intérieur du Paraguay, les pampas du Chaco et Les llanos des Moxos avant d’occuper les versants de la Sierra d’Ibapiaba, limitrophe des provinces de Para, Maranhaô, Pernambouc et Bahia, d’où plus tard elle passa sur les bords du Bas Amazone. Un groupe détaché de cette nation, une des plus nombreuses qu’ait eues l’Amérique du Sud, existait encore au milieu du siècle dernier dans le voisinage des sources du Beni.
  3. Vingt ans auparavant, en 1619, Pedro Teixeira avait fait une guerre acharnée à ces mêmes Tupinambas et avait brûlé trois de leurs villages, Iguapé, Guanapu, Carepi, situés dans les environs du Para.