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Page:Le Tour du monde - 16.djvu/21

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Il revint à Petit-Bourg [chez le duc d’Antin] dans un carrosse avec trois de ses gens. Il parut dans ce carrosse qu’ils avaient largement bu et mangé. »

La Révolution dépouilla le palais et l’abandonna à toutes les causes de dégradation. « En 1798, la bande noire demanda à l’acquérir pour le démolir et en cultiver le sol pour la nourriture du peuple. » Une commission, nommée par l’Institut, fit un appel pressant au gouvernement et parvint à le sauver.

En 1804, Napoléon fit refaire la toiture délabrée et qui laissait pénétrer l’eau sur plusieurs points. Il dépensa plusieurs millions pour remettre le château en état et le meubler.

Louis-Philippe y fit les plus splendides restaurations ; son règne a été une époque de rénovation pour le palais. On estime à près de 3 millions 500 000 fr. le total des dépenses qu’il y fit. — Le 6 mai 1837, le mariage civil du duc d’Orléans avec la princesse Hélène de Mecklenbourg-Schwerin eut lieu dans la galerie de Henri II, déjà restaurée et inaugurée pour cette circonstance. — Quelques années avant, Louis XVIII était venu recevoir à Fontainebleau, Caroline de Naples, fiancée au duc de Berry. Ces deux mariages devaient aboutir à une catastrophe fatale.

Outre l’intérêt des souvenirs historiques qui permettent à imagination d’évoquer et de voir défiler à travers cette résidence toute la monarchie française et, à côté d’elle, un grand nombre de personnages célèbres, le style décoratif d’une partie des appartements, les meubles de diverses époques qu’on y a réunis, transportent avec illusion au milieu des temps dont ils sont les rares vestiges. Les regards se portent avec curiosité sur l’ornementation artistique en reliefs capricieux du règne de François Ier ; sur l’ornementation moins sculpturale, mais aux dorures fastueuses de Louis XIII et de Louis XIV ; sur les gracieuses mignardises peintes par Boucher dans la salle du Conseil ; sur la chambre de Mme de Maintenon, conservant des meubles de Boule et un canapé en tapisserie du temps, que l’on dit avoir été brodé par les demoiselles de Saint-Cyr ; sur le boudoir et la chambre à coucher de Marie-Antoinette, dont l’ameublement date presque entièrement de Louis XVI et fait pressentir les formes roides du Directoire et de l’Empire ; sur le petit guéridon mesquin, en acajou, où Napoléon a signé son abdication. « En faisant basculer la table de ce guéridon, on aperçoit une petite plaque de cuivre portant l’inscription suivante, mise sous la Restauration, qui y a laissé des traces de ses prétentions et de ses ridicules anachronismes : — Le 5 avril 1814, Napoléon Bonaparte signa son abdication sur cette table dans le cabinet de travail du roi. — Louis-Philippe avait fait placer dans cette pièce un fac-simile de l’autographe de cet acte d’abdication ; ce fac-simile a été retiré depuis le nouvel empire.

Aujourd’hui que l’histoire du mobilier est devenue un objet d’études assidues, on aime à passer ici en revue une série chronologique de spécimens variés d’ameublement, depuis les belles tapisseries de Flandre, depuis les Cabinets François Ier, les bahuts Louis XIII, les meubles en marqueterie de Boule, les fauteuils en vieux Beauvais, puis les commodes Marie-Antoinette, de l’ébéniste Riésener avec les rinceaux, les découpages en cuivre et les belles ciselures du célèbre Gouthières, jusqu’aux formes sèches et anguleuses de l’Empire, jusqu’à l’ameublement de la Restauration et de l’époque actuelle.

Avant de quitter le Palais pour aller parcourir la forêt, on ne manque pas de visiter les Jardins. Le principal est le Parterre, carré de trois hectares, qui s’étend devant une partie de la façade méridionale du Palais. Dans la vue qui en est donnée page 8, les bâtiments qui forment la moitié de la façade à droite sont ceux des offices, bâtis par Henri IV ; vers la gauche, entre le pavillon de Mme de Maintenon et la saillie formée par le chevet de la chapelle Saint-Saturnin, on remarque les cinq croisées cintrées de la Salle de Henri II. À gauche du pavillon Maintenon, s’élèvent les bâtiments qui entourent la cour de la Fontaine et celle des Adieux.

Le terrain sur lequel les jardins furent plantés était si sec et si stérile, que sous Henri IV, il se montrait encore rebelle aux soins de la culture. Un jour le Béarnais se promenant avec d’Épernon, se plaignit à un jardinier de ce que les parterres étaient mal garnis de fleurs.

« Sire, répondit le jardinier, je ne puis rien faire venir dans ce terrain-là.

— Semez-y des Gascons, dit le roi avec sa verve spirituelle, en regardant d’Épernon ; ils poussent partout. »

La dernière transformation du parterre date de Louis XIV ; Lenôtre l’a dessiné tel qu’on le voit aujourd’hui. C’est lui qui fit élever alentour la terrasse qui le domine et sert de promenoir aux habitants.

On descend du parterre par deux rampes dans le Parc (en dehors et à droite de la vue gravée), vaste terrain de 84 hectares, acquis par François Ier, et où Henri IV a fait creuser un canal qui a 1 200 mètres de longueur. De magnifiques avenues de vieux arbres le bordent des deux côtés.

Bassompière raconte qu’il gagna un pari de 1 000 écus à Henri IV, qui avait prétendu que le canal qu’il venait de créer serait plein en deux jours. Huit jours ne suffirent pas à le remplir.

Au nord et dans la partie haute de ce parc règne la célèbre treille du Roi, qui produit, dit-on, année commune, trois mille kilogrammes d’excellents chasselas.

Les bâtiments occupés par la Vénerie forment sur un des côtés du Parc, des dépendances assez considérables du château. Ils sont situés sur l’emplacement des Héronnières, construites sous Henri II. Louis XIV les agrandit. Louis XV y fit ajouter une écurie de 220 toises. « La vénerie impériale est sous le commandement du général prince de la Moskowa, grand veneur. Le baron Lambert, capitaine de vénerie, a sous ses ordres