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Page:Le Tour du monde - 16.djvu/423

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REVUE GÉOGRAPHIQUE,


1867
(DEUXIÈME SEMESTRE),
PAR M. VIVIEN DE SAINT-MARTIN.
TEXTE INÉDIT.


La géographie à l’Exposition universelle. — Coup d’œil historique sur les développements de la géodésie et de la science cartographique. — La carte de Cassini et la grande carte de France dite de l’état-major. La carte de Suisse en vingt-cinq feuilles du général Dufour, et les autres cartes topographiques des divers États de l’Europe. — Applications des cartes topographiques ou semi-topographiques aux besoins de la science et de la grande industrie. — Les cartes marines et la science hydrographique. — Les cartes usuelles et les atlas. La cartographie en Allemagne et en France. L’établissement géographique de Julius Perthes à Gotha ; la maison Hachette à Paris. — Le dessin en géographie ; ce qu’il était autrefois et ce qu’il est aujourd’hui. — Le Tour du Monde. Le futur Atlas français. — Les globes, les reliefs topographiques, les images photographiques et leur application à l’enseignement.
Quelques mots des nouvelles géographiques du semestre. — L’expédition à la recherche du Dr Livingstone. Gerhard Rolf. Karl Mauh. Le Saint. L’expédition anglaise en Abyssinie et le journalisme anglais. La science et la politique. Ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas. — L’expédition scientitique du Mé-kong. L’Amérique (ci-devant) russe. — L’expédition polaire de M. Lambert. Une souscription nationale.


I

Le grand événement de l’année a été l’Exposition universelle, — l’Exposition géographique, pouvons-nous dire en un sens, car jamais on n’aura vu ainsi réunis tous les peuples et tous les pays du monde, nous apportant, dans sa variété infinie, le merveilleux spectacle de leurs richesses naturelles et de leur génie créateur. Il est à espérer que quelque belle étude de géographie économique sortira de ce rapprochement jusqu’à présent unique dans l’histoire de l’industrie et de la science. Je n’ai pas, assurément, le dessein d’aborder un aussi grand sujet ; mais il appartient au cadre de cette Revue de jeter au moins un coup d’œil rapide sur la partie purement géographique de l’Exposition (les cartes, les globes et les livres), envisagée soit dans les grandes cartes topographiques, qui sont en général des œuvres officielles exécutées aux frais des gouvernements, soit dans les réductions manuelles appropriées aux besoins des hautes études ou aux nécessités de l’éducation ; il nous appartient surtout de rechercher quels progrès sont accusés dans ces deux ordres de travaux, et quelle place relative y occupent la France et les peuples étrangers. Il y a là bien des questions d’une nature élevée et parfois d’une portée délicate, que nous ne pouvons approfondir, mais que nous devons au moins indiquer.


II

Dans des appréciations de cette nature, l’historique du sujet est indispensable ; le présent n’a tout son intérêt et sa signification que lorsqu’on en suit la marche à travers les tâtonnements du passé.

La géodésie, dont les grandes cartes topographiques sont la plus complète et la plus belle expression, est une science de création moderne. Les anciens ne l’ont pas connue. Ils eurent des arpenteurs pour diviser les héritages, évaluer les surfaces et mesurer les distances ; ils n’eurent pas ce que dans un sens plus élevé nous désignons sous le nom d’ingénieurs. Si quelques hommes d’un génie exceptionnel, un Ératosthène, un Hipparque, imaginèrent de déterminer de grands espaces terrestres par la mesure correspondante d’un arc de la voûte du ciel, ils n’appliquèrent cette belle donnée, qui est au fond la base de la géodésie, qu’à la recherche abstraite de la grandeur de la terre déduite d’un segment déterminé de sa circonférence, et ne songèrent pas à son emploi pratique pour la géographie. Ils entrevirent la méthode, mais il leur manqua le secours indispensable des instruments de précision. C’est dans cette limite que se renferma la géométrie des Égyptiens. Alexandre, dans son expédition de l’Inde, eut à sa suite des géodètes pour mesurer les distances parcourues (et nous pouvons ajouter, par parenthèse, que ce que nous connaissons de ces mesures accuse une très-grande exactitude) ; mais il n’est question nulle part de cartes levées, ni particulières, ni générales.

Les Romains eux-mêmes, avec leur génie pratique, n’allèrent pas au delà. L’opération célèbre commencée sous Jules César et terminée sous Auguste, pour ce qu’on a nommé le levé de l’empire, ne fut que le mesurage, région par région, de toutes les grandes voies militaires qui partaient de Rome et rayonnaient dans toutes les directions jusqu’aux extrémités des provinces frontières ; et la carte de l’empire qui porta le nom d’Agrippa, parce que ce personnage illustre avait eu la direction de ce grand travail, ne fut en définitive que le tableau de cet immense réseau des voies romaines, dont le livre de routes qui nous est parvenu sous le titre d’Itineraria romana est le relevé écrit, route par route, avec le nom des stations (qui sont des étapes), et les distances inter-