prise dans les cartes actuelles. Quoique l’on ait étrangement abusé de cette méthode nouvelle, soit en la poussant fort au delà de ce que comportait l’échelle, soit en voulant l’appliquer à des contrées (et c’est le très-grand nombre) pour lesquelles manquent absolument les éléments topographiques, il n’en est pas moins vrai qu’en elle-même, et renfermée dans ses limites légitimes, elle donne aux cartes manuelles des pays dont on possède le levé géodésique une physionomie toute nouvelle, et y introduit un travail dont on n’avait nulle idée il y a cent ans. C’est une question de mesure.
XI
L’Exposition renferme un assez grand nombre de globes terrestres de toutes dimensions : outre les globes français, elle en a reçu d’Allemagne et des États-Unis. Ou sait combien un appareil de ce genre est utile pour l’étude générale, en présentant au premier coup d’œil toutes les contrées du monde dans leur vraie situation et dans leur rapport avec l’ensemble. Il serait désirable qu’i y en eût un non pas seulement dans les établissements d’éducation de tous les degrés, mais dans toutes les familles ; rien ne serait plus propre à éveiller les premières curiosités de l’enfance, et à faire entrer sans peine dans ces jeunes intelligences, si facilement ouvertes à ce qui Les frappe et les sollicite, les premières notions sur la terre et le monde. Malheureusement, le prix toujours un peu élevé d’un globe d’une certaine dimension (le moindre ne devrait pas avoir au-dessous de neuf pouces de diamètre) est un grand obstacle à leur diffusion ; je n’ai jamais bien compris, je l’avoue, à quoi tient cette cherté relative, en dehors de tout luxe de monture. Est-ce à la difficulté de la vente ? mais on achète peu parce que vous vendez cher. Il y a là un cercle vicieux ; c’est à vous, marchand intelligent, de le rompre. Les gros bénéfices se composent de petits gains. Pour revenir à l’Exposition, on n’y peut signaler qu’un globe vraiment remarquable par ses dimensions et son exécution ; c’est celui de M. Kiepert, envoyé de Berlin. Cette belle pièce a quatre-vingts centimètres de diamètre ; elle a été achetée par le prince Napoléon, au prix de trois cent vingt francs.
XII
Il est une partie de l’Exposition devant laquelle s’arrête volontiers la foule, trop souvent insoucieuse de ce qui parle à l’esprit plus qu’aux yeux : ce sont les plans en relief, Il y en a de diverses sortes, et de valeur bien différente. Les uns, comme le mont Etna de M. Deckers, de Berlin, et le Parc des Buttes-Chaumont, de notre compatriote M. Bardin, se renfermant dans une localité restreinte, l’ont rendue avec une vérité absolue de détails, de proportions et d’aspect ; ce sont des morceaux singulièrement attachants, auxquels on ne peut comparer que les plans en relief de nos places fortes, dont on peut voir la suite nombreuse dans les salles de l’Hôtel des Invalides.
D’autres plans, tels que la France de M. Sanis et la péninsule indienne de Montgomery-Martin, ont la prétention de figurer le relief de toute une grande contrée, et n’y peuvent arriver (sans parler d’une exécution passablement grossière) qu’en outrant toutes les proportions, attendu qu’à l’échelle vraie, des chaînes telles que l’Himalaya, les Ghates et les Alpes se distingueraient à peine. Je ne parle pas du plan de l’isthme de Suez, qui se voyait dans un des pavillons du Parc ; c’était tout simplement un merveilleux panorama.
J’ai nommé M. Bardin : ce savant professeur a construit des reliefs de nos principales chaînes de montagnes, telles que le massif d’Auvergne, le Jura, les Vosges, etc., à une échelle suffisante pour leur laisser leurs proportions géométriques. Ces reliefs ont été exposés dans les salles de l’Hôtel des Invalides ; l’espace très-coûteux qu’ils auraient exigé ne lui avait pas permis de les placer au Champ de Mars. Je ne puis que les caractériser d’un seul mot : ce sont d’admirables chefs-d’œuvre, — chefs-d’œuvre de patiente étude et d’exactitude minutieuse. On apprend plus en une heure devant ces plans réduits qu’on n’apprendrait en un mois sur le terrain, et dans une année sur les livres.
Malheureusement il est fort difficile de répandre ces pièces volumineuses (qui trouveront cependant leur application utile dans nos grandes écoles, où l’on expose les principes de la géodésie pratique, de la géologie et de la géographie physique) ; mais on peut les remplacer par leur image photographique. On croirait difficilement, si on ne les avait sous les yeux, avec quel bonheur, quelle vérité saisissante, ces épreuves photographiques rendent le caractère général et le détail des plans-reliefs ; on a pu en juger par la planche héliographique des Monts-Dômes, que M. Bardin avait exposée à défaut du relief lui-même. Il n’est pas jusqu’à la France en relief de M. Sanis (dont on ne peut consciencieusement louer que l’intention), qui n’ait fourni une carte photographique d’un très-bon effet.
Là encore se présente la question de prix, question capitale en tout ce qui touche à la propagation populaire des choses utiles. Les épreuves sont actuellement cotées à un taux beaucoup trop élevé. Mais cette difficulté écartée, — et on y arrivera, sans aucun doute, — je suis convaincu que les reliefs photographiques sont appelés à un immense avenir dans l’enseignement, et qu’ils y rendront d’incalculables services.
XIII
Le rapide coup d’œil que nous venons de jeter sur la partie géographique de l’Exposition — et nous n’y avons pu toucher que quelques points parmi les plus essentiels — ne nous laisse guère de place pour les nouvelles géographiques du semestre. Il en est peu, d’ailleurs, qui aient une bien grande importance. Rien de nouveau ne s’est produit sur le sort de Livingstone. L’expédition envoyée de Londres à la recherche du grand explorateur, sous la conduite de M. Young, doit être maintenant arrivée sur le théâtre de la catastro-