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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/104

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Je me levai vivement et je courus chez Samba N’diaye pour lui demander ce qui se passait ; il ne savait rien, sinon qu’Ahmadou venait de faire embarquer immédiatement la poudre et les blessés ; qu’on partait, que beaucoup même étaient déjà en route. « Et, presse toi, » me dit-il en terminant.

Je revins à ma tente à travers un camp presque désert. Je n’avais pas un instant à perdre ; mais là, comme dans toute circonstance grave, je fis appel à mon sang-froid, je recueillis mes pensées. On n’entendait plus que le bruit vague d’un grand mouvement d’hommes et de chevaux, opéré en silence. Les bœufs beuglaient en se jetant à l’eau pour traverser le fleuve sous coups des bergers. Chacun parlait a voix basse, quelques feux brillaient dans des cases où des retardataires ficelaient leurs paquets, où gémissaient les malheureux blessés, tremblant d’être abandonnés.

La terreur de tous était à son comble, on échangeait des questions et des réponses, et chacun allait droit son chemin, effaré, avec le sentiment d’un danger.

C’était une véritable panique, inexplicable, et, en ce moment, le plus petit détachement ennemi paraissant à l’improviste, cinquante cavaliers seulement sortant des murs qui abritaient l’agonie de Sansandig, eussent eu bon marché de toute l’armée et de la puissance d’Ahmadou.

Ainsi fut levé le siége de Sansandig.


Attaque de la pointe des Somonos à Sansandig (voy. p. 102). — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.


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Je rentrai à Ségou extenué et malade, gravement atteint de cette fièvre paludéenne dont l’hémorragie nasale est un des plus fâcheux symptômes. Je restai longtemps entre la vie et la mort ; les bons soins du docteur Quintin et la joie que me causa le retour successif des courriers que j’avais envoyés à Saint-Louis, finirent par triompher du mal. J’avais enfin des nouvelles d’Europe, de ma famille, de mes amis. Je respirai à l’aise, et des instructions précises du gouverneur, jointes à de nouveaux cadeaux pour Ahmadou, me permirent enfin de triompher de la politique versatile de celui-ci et de lui faire accepter le traité suivant :

Traité passé entre MM. Mage et Quintin, envoyés du gouverneur du Sénégal, agissant en son nom, et S. M. Ahmadou, fils de Cheick El Hadj Omar, roi de Ségou.

Article premier. — La paix est faite entre tous les pays respectifs où commandent les deux chefs.

Art. 2. — Les hommes du gouverneur du Sénégal pourront circuler librement dans tous [les pays où commande Ahmadou, dans tous ceux où il pourra commander plus tard, et y seront protégés, qu’ils viennent pour commerce, mission ou par simple curiosité.

Art. 3. — Une fois qu’ils auront payé le droit de 1/10 auquel sont soumises toutes les caravanes entrant dans les pays d’Ahmadou, les Diulas ou marchands du Sénégal n’auront plus rien à payer à qui que ce soit pendant tout leur séjour.

Art. 4. — Ahmadou promet d’ouvrir toutes les routes du pays qu’il commande vers nos comptoirs.

Art. 5. — Le gouverneur du Sénégal promet que la route du Fouta aux pays d’Ahmadou sera ouverte et que les hommes ou femmes pourront y circuler librement sans qu’aucun chef puisse les arrêter.

Art. 6. — Les hommes envoyés par Ahmadou à Saint-Louis pourront y acheter ce dont ils auront besoin, et re-