La ville n’offre rien de bien intéressant ni de saillant, mais, pour ne pas être taxé de paresse, je veux en décrire au moins l’aspect général.
À l’entrée de la ville, la route contourne un rocher escarpé qui domine un petit ruisseau. C’est là que commencent les faubourgs, composés de quelques maisonnettes cosaques, parallèles et régulières, propres, blanches, commodes à l’intérieur. Je trouvai, dans une de ces maisons, un logement et une table frugale et saine, le tout à prix modéré, surtout tenant compte des délicieux varénikis, dont me régalait souvent ma bonne vieille Cosaque. À ce propos je dirai, pour ceux qui ne connaissent pas les varénikis, que ce mets est très en usage en Russie, principalement dans le sud. Chez les Petits-Russiens on le prépare avec de la pâte et du lait caillé, et on le fait cuire dans l’eau avec certains ingrédients.
Si le hasard, cher lecteur, vous transporte un jour à Piatigorsk, et si, voyageur économe, vous voulez éviter les douceurs coûteuses de la vie de table d’hôte, je vous conseille d’établir comme moi votre quartier dans une aux varénikis accommodés à la mode caucasienne.
À l’entrée de la ville, la rue principale se prolonge à droite un peu dans la montagne, vers les sources : c’est là que se trouvent les constructions modernes et que l’on rencontre la population passagère. À gauche, la route, au pied de la montagne, se termine par une grande place, où s’établissent les bazars les jours de fêtes ou de foires.
En suivant la première rue, on voit, sur la droite, des boutiques où les Arméniens jouent avec succès, par tout le Caucase, et même au delà, le rôle des juifs de la Russie occidentale : ils font trafic de toutes les sortes de productions provenant des fabriques de Moscou. Du côté opposé est bâtie l’église de Piatigorsk, qui ressemble moins à un temple chrétien qu’à un établissement de ville de bains.
Tout auprès est un club avec toutes les jouissances de la vie d’hôtel, les salles de jeu, de conversation, etc.
Les bains d’Ermolov (ainsi nommés en l’honneur du général russe), et l’établissement thermal des sources d’Elénine, sont remarquables par leur position pittoresque. Ce dernier surtout, avec ses longues allées et ses rampes d’escaliers aux flancs d’une haute montagne, fait l’effet d’un décor magique d’opéra. Des sources d’Elénine, je montai souvent, par des sentiers étroits, à un petit pavillon rond d’où l’on jouissait
Telega russe.
d’un point de vue merveilleux. Sur un espace immense, derrière la ville, des bourgades de Cosaques et des colonies de Tatars étaient disséminées dans des forêts de verdure. Non loin de la ville, on va visiter un endroit curieux, nommé le Trou, dont le nom indique la nature. Un écroulement a formé une caverne qui n’a d’issue qu’à l’extrémité supérieure : on y pénètre cependant par une ouverture pratiquée dans la montagne.