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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/214

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chaire, qui aurait été envoyé chez les Trèves par saint Pierre lui-même pour leur prêcher l’Évangile ; mais, ce qui est certain, c’est qu’Agritius, évêque de Trèves, qui assista, en cette qualité, au concile d’Arles, en 314, avait déjà eu trois prédécesseurs. Quarante ans plus tard, à propos des luttes de l’arianisme, saint Paulin, évêque de Trèves, est exilé en Orient par Constance, tandis qu’un caprice de la même tyrannie forçait Athanase, le célèbre patriarche d’Alexandrie, à habiter Trèves pendant plusieurs années.

Un peu plus tard, c’est saint Jérôme que son père envoie à Trèves comme attaché à la personne du préfet du prétoire auquel était confié le diocèse des Gaules.

Trèves est mentionnée parmi les villes qui, dans l’hiver de 355, auraient été forcées par les Francs et les Alamans. Ce désastre fut réparé par Julien, qui préféra d’ailleurs à Trèves, comme séjour d’hiver, « sa chère Lutèce, » où il trouvait un climat plus doux. Après lui, Valentinien revint s’établir à Trèves, où résida aussi son fils et successeur Gratien, l’élève d’Ausone. Celui-ci, rhéteur et poëte renommé, appelé de Bordeaux à Trèves par l’empereur, a chanté dans un poëme qui est une de ses moins mauvaises productions, la Moselle et ses rives. Trèves possédait alors un hôtel des monnaies, un gynecium, fabrique où des femmes étaient employées à filer de la laine et à faire du drap pour l’armée, deux fabriques d’armes, une direction générale de l’orfévrerie et des mines. Les écoles de Trèves étaient célèbres. De tous les professeurs de rhétorique des Gaules, le mieux payé, d’après une constitution de Gratien, c’était celui de Trèves.

Cependant la force de l’attaque allait dépasser celle de la résistance. La nouvelle de la mort de Théodose s’était à peine répandue au delà du Danube et du Rhin, qu’Alamans et Francs forçaient la frontière. En 399, Trèves fut surprise et pillée par les Germains. Stilicon fit un moment reculer les envahisseurs ; mais, des 402, la résidence du préfet du prétoire des Gaules est transférée à Arles. Trèves fut saccagée de nouveau en 411, 420 et 440. Après une cinquième destruction, elle ne retrouva un peu de calme que sous la domination des Francs-Ripuaires, qui s’y établirent en 464 ; mais elle se vit préférer comme capitale du royaume d’Austrasie, sous les rois Mérovingiens, Divodurum, qui prit alors son nom moderne de Metz.

Lors du démembrement de l’empire carolingien, Trèves, qui avait d’abord été une des principales cités de la Gaule, puis sa capitale, se trouva détachée du royaume de France et réunie à l’empire germanique ; son archevêque était prince temporel et souverain indépendant, un des sept électeurs reconnus par la bulle d’or. C’est une monotone histoire que celle de la lutte que soutinrent les bourgeois contre leurs archevêques, pour conquérir et défendre leurs franchises municipales ; là comme partout ailleurs sur le continent, vers la fin du seizième siècle, malgré tout le sang versé et toute l’énergie déployée dans ces longs et obscurs combats, la liberté municipale finit par succomber devant le pouvoir absolu.

Pendant les guerres du dix-septième siècle, Trèves, sans cesse prise, évacuée, reprise par les Français, souffrit beaucoup de ces occupations répétées, suivies ou précédées de bombardements et d’incendies. Le dix septième siècle fut pour elle une ère de tranquillité relative, bien qu’elle ait été occupée par nos troupes en 1734 et 1735. Pourtant l’université que la ville avait ouverte en 1474, et qui se maintint jusqu’à la révolution française, ne fut jamais très-florissante.

La prescription des droits historiques de la France sur Trèves fut interrompue, à la fin du siècle dernier, par la conquête républicaine. De 1794 à 1814, Trèves fut le chef-lieu du département de la Sarre et d’une division militaire. La domination française fit beaucoup pour la viabilité de l’ancien électorat et pour la conservation des monuments ; c’est à l’empereur Napoléon que l’on doit et la première restauration du dôme et l’ouverture des routes de Trèves à Metz, à Strasbourg et à Liége. Le congrès de Vienne reprit Trèves à la France, supprima l’électorat, et en donna à la Prusse la capitale et le territoire.


II

C’était là les souvenirs que je repassais dans ma mémoire et que je cherchais à préciser en relisant des notes prises à l’avance, au moment où une large rue m’amenait en face de la plus belle ruine de Trèves ; ce n’est qu’en ayant toute cette histoire présente à la pensée que je pouvais espérer m’orienter au milieu de débris qui datent d’époques très-différentes et sur l’origine desquels se taisent presque toujours les documents écrits. Le monument dont je commençai par faire le tour dans tous les sens et qui m’occupa pendant toute la journée, est désigné dans les documents du moyen âge, sous les noms de porte de Siméon porte de Mars, et surtout porte Noire (porta nigra). On a beaucoup discuté, on discute encore sur l’âge et sur la destination de cet édifice. La vanité des archéologues trévirois avait commencé par y chercher un ouvrage celtique ou étrusque, rêveries qui ne sont pas dignes d’une réfutation. Dans des travaux postérieurs et qui méritent plus d’attention, on a attribué cette construction tantôt à Constantin, tantôt à Gratien. C’est cet avis qu’adoptait, il y a quelques années, M. de Saulcy, dans le récit d’une excursion jadis faite à Trèves avec M. Mérimée. D’autres enfin sont descendus jusqu’à la domination franque. Une curieuse et savante étude présentée à l’Académie de Berlin par un des premiers épigraphistes de l’Allemagne, M. Émile Hübner, l’élève et aujourd’hui le collaborateur de M. Mommsen, vient, sinon de lever toutes les difficultés, au moins de trancher, pour beaucoup d’esprits non prévenus, la question principale.

La porte Noire, dont j’aurais voulu donner le plan à côté de la vue pittoresque due à l’habile crayon de