Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 17.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette ville, aujourd’hui une des premières de l’Amérique, ne renfermait que soixante-dix habitants en 1830. Il y avait là une station militaire destinée à tenir les Indiens en respect, et un poste de traitants qui achetaient des fourrures aux sauvages pour la fameuse maison Astor, de New-York. Aujourd’hui Chicago renferme plus de deux cent vingt-cinq mille âmes, et elle a perdu le titre de Reine des Prairies, sous lequel on la désignait naguère, tant la colonisation de l’Ouest a marché vite, tant les prairies sont loin maintenant. Dirai-je les merveilles de cette ville improvisée ? Parlerai-je du commerce de grains qu’elle fait avec le monde entier, sans compter celui du bois, du plomb, de la houille, du bétail, des viandes salées ? Parlerai-je des dix-sept chemins de fer qui rayonnent sur cette grande place ? Raconterai-je par quel miracle de la mécanique les maisons de la ville basse ont été élevées de trois mètres sur leurs fondations sans que les habitants les aient un instant quittées, et par quel miracle d’hydraulique la ville, manquant d’eau potable, est allée en demander au lac qui la baigne par un tunnel ouvert sous l’eau, de deux milles de longueur ? Parlerai-je des élévateurs, ces immenses édifices où le blé arrive d’un côté en wagon et est envoyé de l’autre dans les navires, non sans avoir été auparavant épuré, classé par les machines, sans que ni vendeurs ni acheteurs s’en soient le moins du monde souciés ? Ferai-je enfin la description des remarquables monuments de cette jeune cité : l’exchange, ou la bourse, les églises, les hôtels, nombre de maisons particulières ? Mais il faudrait pour cela toute une livraison du Tour du monde, et le Grand Ouest nous attend. Un homme d’État anglais disait à l’un de ses amis qui se rendait en Amérique : « Ne voyez que deux choses aux États-Unis : les chutes du Niagara et Chicago. » L’homme d’État avait raison, si son ami ne devait pas aller plus loin que le Mississipi. Nous qui devons aller cette fois jusqu’au pied des montagnes Rocheuses, bornons là notre récit sur cette première étape et remettons-nous en chemin.


Tueur-de-Paunies et ses deux braves (lieutenants). — Dessin de Janet Lange d’après des portraits.

M. Whitney étant venu nous rejoindre à Chicago, nous quittâmes cette ville le 30 septembre, en route vers les Prairies.

Nous traversâmes, sur un long pont de bois aux piles branlantes, le Mississipi, le Père des Eaux ; nous saluâmes les plaines de l’Iowa, les campagnes, les houillères, les rares forêts encore debout de ce jeune État, et le 1er octobre nous arrivâmes à Council-Bluff, un tertre où se tint naguère un grand conseil d’Indiens, une ville embryonnaire aujourd’hui.

À Council-Bluff, un omnibus vint nous prendre et nous porter au bord du Missouri, où nous passâmes d’une rive à l’autre, voyageurs et attelage, sur un bateau à vapeur. C’est le seul moyen en usage, en attendant qu’un pont soit fait qui relie Council-Bluff à Omaha, le chemin de fer de l’Iowa au grand chemin de fer des Prairies.


II

D’OMAHA À JULESBURG.


Omaha. — Le chemin de fer du Pacifique. — La plus belle demeure de l’homme. — Baptême des gares. — Les Indiens Paunies. — Caractères physiques de la race rouge. — L’incendie des Prairies. — Marche de nuit. — La chasse au buffle. — l’animal et l’homme primitif. — Dernières stations du chemin de fer du Pacifique en septembre 1867. — Julesburg et le fort Sedgwick. — Le général Potter. — Les conciliabules des Indiens avec la commission de paix envoyée de Washington.

Omaha, où nous venions d’arriver, est la tête de ligne du chemin de fer du Pacifique. Elle est située sur la rive droite du Missouri, la rivière aux eaux boueuses comme celles du Tibre. Elle est de fondation récente, et porte le nom des Indiens qui campaient naguère dans son voisinage. Elle n’avait pas trois mille habi-