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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/235

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les excursionnistes dans cette chasse pleine d’attraits, et de les initier à toutes les ruses du gibier, à tous les secrets du sport des Prairies.

Nous leur avions envoyé une dépêche, pour leur demander si nous pouvions nous arrêter chez eux, et faire ensemble la chasse à courre ; mais ce jour-là le bison était momentanément parti sans nous attendre.

L’Indien tire du bœuf sauvage sa nourriture, son vêtement. Il mange sa chair qu’il fait sécher au soleil, tandis que le blanc arrache seulement la langue de l’animal, morceau des plus délicats. La peau du bison, tannée, et conservant encore sa toison, porte le nom de robe. Avec les peaux de castor, c’est le principal objet d’échange de l’Indien avec les traitants des Prairies. Une belle robe de buffalo se vend aujourd’hui vingt piastres ou cent francs ; naguère le prix était de moitié, ou du tiers, mais alors le papier-monnaie n’avait pas cours comme à présent.

Cette robe sert à l’Indien de paletot, de lit et de couverture. Les vilaines peaux sont ébarbées, épilées, et l’on en couvre la hutte. C’est ainsi que l’Indien, comme on l’a déjà fait remarquer, trouve dans le bison satisfaction à toutes les nécessités de la vie. Aussi suit-il l’animal dans ses migrations du nord au sud, et remonte-t-il avec lui du sud au nord. Le dicton des plaines est le suivant : La où est le bison, là est l’Indien.

L’hiver, le bison va chercher le gazon dans le sud ; l’été, il revient dans le nord.


Vue prise de la source de la rivière Plate (branche du sud). — Dessin de Sabatier d’après une photographie.

Ces migrations des bisons sont curieuses. Les animaux s’avancent en troupes serrées, conduits par un chef, et barrent pendant plusieurs heures le passage aux convois, sur les routes qu’ils traversent.

Le nombre des bisons est aujourd’hui beaucoup moins considérable que jadis. À mesure que l’animal disparaît devant la marche sans cesse envahissante de la colonisation, le Peau-Rouge disparaît aussi, et l’on peut dire que si, dans les Prairies, il y a deux fois moins de bisons qu’il y a deux siècles, il y a aussi deux fois moins d’Indiens. Curieuse relation que celle qui unit ainsi l’homme primitif à l’animal primitif ! Les Peaux-Rouges eux-mêmes l’ont comprise, et il y a parmi eux une tradition qui dit que l’Indien disparaîtra le jour où il n’y aura plus de bisons. Un de leurs grands regrets est de voir les blancs chasser cet animal par simple amusement. « Est-ce que les visages pâles seraient devenus fous, disait récemment un grand sachem aux commissaires de l’Union, qu’ils chassent le bison pour le seul plaisir de le tuer et de le voir pourrir sur place, tandis que nous mourons de faim ? »

Après le fort Kearney, célèbre par ses terres de chasse, voici les stations de Elm-Creek et Plum-Creek baptisées par l’orme et le prunier, mais dont le nom réveille de tristes souvenirs. Il y a eu sur ces points de sanglantes rencontres entre les blancs et les Indiens, et de cruels massacres, notamment celui qui a été raconté dans les lignes précédentes (voy. p. 227).

Le fort Mac-Pherson, à deux cent quatre-vingts milles d’Omaha, marque la distance où s’arrêtait la voie en 1866. Après vient la station de North-Platte, où la Plate se divise en deux branches, celle du nord et celle du sud. Ces deux branches descendent l’une et