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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/28

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plie et je croyais, alors, avoir franchi les plus grandes difficultés de la route.

En quittant Koundian, nous remontâmes au nord, pour aller rejoindre le Sénégal ou Bafing que nous devions traverser en cet endroit (la route directe à l’est, offrant des difficultés impraticables à des animaux chargés et même à des cavaliers à cause des montagnes qui la sillonnent), nous vînmes ainsi, le soir, rejoindre le fleuve en face de Médina Gongou ou île de Médina, ainsi nommée d’après le village qu’elle contient. En aval de l’île était une chute d’eau de quelque importance et en amont un barrage. Cela ne fit que confirmer ce qu’on m’avait dit de l’innavigabilité complète du Sénégal dans tout son cours supérieur ; fait qui m’avait décidé à abandonner mon canot à Oualiha.

Mon guide, avec lequel nous allons faire connaissance, m’offrait de coucher au village et de commencer le transbordement des bagages et des animaux le lendemain matin. Ce transbordement était, en effet, assez difficile ; il fallait l’effectuer au moyen de deux pirogues grossières, n’ayant, pour les faire avancer, que des pagayes du pays qui se composent d’un manche de bambou sur lequel cinq à six morceaux de bambou sont fixés en travers, au moyen d’une corde, et figurent une pelle. Quelquefois, c’est un morceau de calebasse.

Ces deux pirogues étaient placées de chaque côté de l’île. Je déclarai de suite que j’entendais coucher de l’autre côté du fleuve le soir même, et on se mit à l’œuvre. Mes hommes se partagèrent en deux compagnies ; pendant que les uns passaient jusqu’à l’île, les autres
Vue de Koundian (voy. p. 26). ~ Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.
portaient à bras les bagages au deuxième embarcadère, puis, de là, traversaient la deuxième branche. Le soir, à sept heures, j’avais franchi le Sénégal, et telle était la fatigue que j’avais éprouvée à Koundian, par suite d’obsessions continuelles, que, dès ce moment, je pris la décision de ne jamais camper à l’intérieur d’un village.

Du reste, qui connaît les villages de noirs comprendra que j’y gagnais un temps considérable. Que ce soient des villages en terre ou en paille, fortifiés ou entourés d’une simple palissade, ou moins encore, d’une haie d’épines, la disposition est la même. Une porte étroite y donne accès ; il faut décharger les bagages pour y passer ; puis les porter à bras au logement qui est assigné, souvent fort loin et où vous êtes quelquefois fort mal ; il faut alors se séparer, aller les uns à droite, les autres à gauche ; à l’arrivée et au départ, on perd un temps considérable. De plus, ces intérieurs de maisons sont sales ; dans les cases la chaleur est malsaine ; en plein air la fumée des cuisines vous étouffe. Au lieu de subir tous ces inconvénients, je préférai camper à la belle étoile. Lorsque j’approchais d’un village, j’allais reconnaître un bel arbre autour duquel on déposait les bagages. Ceux qui connaissent le benténier ou fromager, comprendront pourquoi je choisissais cet arbre de préférence. Ses racines gigantesques, semblables à des cloisons, laissent entre elles des espèces de magasins ou nous pouvions serrer nos menus bagages à l’abri du vol ; un homme se couchait en travers et l’on dormait tranquille à la lueur d’un beau feu. D’ailleurs, la vie des émotions violentes semblait passée. Depuis Koundian, nous étions dans un pays où régnait