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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/284

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tombent jusqu’au milieu du dos, il prononce un discours peut-être plus éloquent encore que celui de Dent-d’Ours. Ce que demande cette fois l’orateur, c’est surtout qu’on éloigne de l’extrême ouest les soldats et tous ceux qui cherchent de l’or, enfin que l’on abandonne la route de la rivière de la Poudre[1]. Il démontre que les blancs n’ont pas observé le dernier traité conclu avec les Corbeaux. Il signale les honteuses malversations des agents des Indiens, et demande des employés plus honnêtes.

Le troisième orateur inscrit, le Loup, un vieux Corbeau, parla sous forme d’apologue, remonta jusqu’au déluge, mais conclut comme les précédents, en demandant l’éloignement des soldats de l’Union, et en affirmant que les Corbeaux ne se ravaleraient jamais jusqu’à travailler la terre. Après quoi la séance fut levée, à une heure de l’après-midi, et remise au lendemain matin à dix heures.

Le lendemain, à l’heure dite, eut lieu la réplique du président Taylor, puis un nouveau discours de Pied-Noir et du Loup. Le président essaya de calmer les Indiens ; ceux-ci revinrent sur les questions débattues la veille. On apporta alors le traité pour le faire signer par les Corbeaux, mais ils refusèrent en prétextant que tous les chefs de leur nation n’étaient pas présents, que les Sioux non plus n’étaient pas venus. Bref, l’insuccès fut complet, alors que les résultats avaient été si décisifs avec les cinq grandes nations du Sud. Cependant on ne se sépare pas brouillés et l’on se donna rendez-vous à sept lunes, quand le gazon serait vert, ce qui, dans le calendrier des peuples civilisés, signifiait vers le 5 juin 1868.


Les Indiens des Prairies brûlant un prisonnier. — Dessin de Janet Lange d’après un document américain.

Le soir du même jour, 13 novembre, les commissaires tinrent un pow-wow avec les deux chefs des Arrapahoes du nord. L’interprète était Vendredi, un Arrapahoe qui fut trouvé tout enfant dans les prairies un vendredi, comme le fidèle serviteur de Robinson, et élevé dans les États.

Ce nouveau palabre fut des plus anodins. Cheval-Alezan, l’Arrapahoe qui prit la parole, déclara au nom de sa tribu qu’il était prêt à faire tout ce que désiraient les blancs, même à aller bêcher la terre. Les commissaires comblèrent d’amabilités des Peaux-Rouges qui se montraient si traitables.

Cette conférence fut la dernière que tint la commission avec les Indiens. Les Sioux et les Chayennes du nord n’ayant pas paru, la commission se débanda. Une partie resta quelques jours encore à Laramie pour distribuer aux Peaux-Rouges les cadeaux qui arrivaient ; l’autre, que nous suivîmes mon compagnon et moi, retourna à Chayennes, et enfin à North-Platte.

Nous fîmes cette fois en deux jours, par une autre

  1. C’est sur cette route, qui coupe sur une direction nord-ouest les deux territoires de Dakota et de Montana, entre la Plate du sud et le haut Missouri, que sont établis les forts Sedgwick, Laramie, Casper, Reno, Philip Karney, C. Smith et Benton, étagés sur une longueur de mille milles. Non-seulement les soldats gênent et vexent les Indiens dans les environs des forts, mais encore le mouvement continuel qui a lieu sur la route éloigne le buflle, en troublant la solitude des prairies.