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son esprit évangélique. En 1844 seulement, il offrit au prince Stourdza d’abolir l’esclavage sur ses domaines. Le projet de loi soumis à l’assemblée demandait que les Tziganes fixés sur les terres d’une église ou d’un couvent fussent affranchis et admis dans la classe des autres habitants ; qu’ils eussent les mêmes droits et remplissent les obligations attachées à la propriété, tout en étant astreints aux mêmes redevances que les Tziganes des villes exerçant des métiers ; qu’ils fussent enfin affranchis et patentés selon leurs moyens.

En vertu de ces principes, considérés comme les autres hommes, les Tziganes auraient eu droit de se marier avec des Moldaves.

Le 31 janvier 1844, le prince décréta l’émancipation des serfs de la métropole, des évêchés, des monastères et de l’État. Ceux des particuliers, plus nombreux et plus malheureux, durent attendre encore.

Cour du couvent de Surpatèle. — Dessin de Lancelot.

Le poëte Basile Alexandri, interprète de la jeune Roumanie, est auteur d’une pièce de vers célèbre qui consacre le souvenir de cette mesure politique, promesse de régénération pour son pays.

le 31 janvier 1844.

« Je te salue, ô jour heureux ! jour sacré de liberté, dont les rayons vivifiants pénètrent l’âme roumaine. Je te salue, ô jour de gloire pour ma patrie bien aimée, toi qui montres à nos yeux l’humanité affranchie

« Bien des siècles de douleur ont passé comme une longue tempête en pliant le front d’un peuple condamné au malheur, mais le Roumain brise aujourd’hui, de sa main puissante, la chaîne de l’esclavage, et le Tzigane, libre enfin, se réveille au sein du bonheur.

« Le soleil de ce jour-la est plus resplendissant, le monde est plus joyeux en ce jour ; en ce jour mon cœur grandit dans ma poitrine, ma vie est plus belle que jamais aujourd’hui, car je vois la Moldavie se réveiller à la voix de la liberté, et je la sens s’attendrir à la voix de l’humanité.

« Gloire et grandeur à toi pour l’éternité, ô ma noble patrie ! toi qui viens de sanctifier le droit et la justice ! Ton bras, en brisant le joug des Tziganes, a jeté dans l’avenir les bases de ta propre liberté. »

Le village que je visitai est composé d’une quarantaine de huttes à demi creusées, se terminant en forme de tente par une charpente recouverte de terre prise au sol. Il est entouré d’une clôture, autour de laquelle serpente un large ruisseau. Les cabanes sont plantées sans ordre au caprice du constructeur. Devant quelques-unes s’élève une verandah primitive, quatre perches supportant des rameaux feuillés. Quelques greniers déformés et effondrés posés sur des pieux dépassent les habitations, dont deux ou trois sont entourées d’un petit terrain ensemencé avec négligence. Quelques loques s’étalent çà et là. Les portes ouvertes laissent voir le sordide mobilier : un grossier divan recouvert de peau de mouton, quelques vases d’argile,