LXVIII
polovrad’j (suite).
Les vraies beautés de la nature, ses vraies richesses sont dans la montagne au nord de Polovrad’j. Dans un voyage de cinq ou six lieues que nous fîmes à la recherche d’anciennes mines de fer, exploitées jadis par les Romains et vraisemblablement par les Daces, nous rencontrâmes les sites les plus variés, des indications minéralogiques et géologiques précieuses. Ces mines étant rarement visitées, nos renseignements assez peu précis et nos guides fort ignorants de ce que nous cherchions, ce voyage se fit un peu à l’aventure et n’en fut que plus agréable.
Je relève sur mes notes par ordre de rencontre les points principaux et les incidents intéressants de cette excursion à Baïa-de-Fier.
Deux corvéables, la hache au dos, suivent au départ notre cavalcade ; ils portent une besace de provisions pour eux ; nous montons les trois meilleurs chevaux du couvent. M. D. a un jeune cheval excessivement peureux ; Mathé, qui porte en croupe un plantureux déjeuner, ordonné par le bon supérieur, a un cheval rétif ; le mien est borgne. Nous descendons d’abord dans le lit profond et raviné de l’Oltezu ; nous le passons à gué et escaladons une pente très-rapide qui nous conduit à un vaste plateau jonché de quartiers de rocs, et hérissé de buissons de pruneliers épineux ; quand les chevaux ne trébuchent pas dans ces obstacles, ils glissent sur une herbe courte et serrée. Après ce plateau, une demi lieue de bon chemin au milieu de champs, de vergers, de groupes d’arbres et de maisons, conduit à la gorge du Baïa-de-Fier. Ses eaux claires courent en capricieux méandres sur un sol rocheux et sonore, tout couvert de scories de fer et comme taché de rouille. Les deux pentes rapides qui enferment la gorge sont boisées de la base au sommet. Elles s’écartent et se contournent en un hémicycle dans lequel est une exploitation de pierre à chaux ; sept ou huit fours de construction primitive fument, deux ou trois hommes abattent de magnifiques arbres pour les chauffer, un autre suspendu au flanc d’une falaise blanche l’éventre à coups de pic. Nos guides demandent des renseignements à un des travailleurs après l’avoir hélé : Eh ! Roumain ? — Un moment interrompu, le défilé se resserre entre deux hautes falaises blanches comme de l’albâtre où nous apparaît une caravane bizarre. Des bœufs, une vache et deux veaux, conduits par un garçon de douze ans, ouvrent la marche ; derrière vient une femme à cheval allaitant un jeune enfant ; à sa monture sont atta-
- ↑ Suite et fin. — Voy. t. III, p. 337, 353, 369 ; t. V, p. 193, 209 ; t. VI, p. 177, 193 ; t. VII, p. 145, 161, 177 ; t. XI, p. 33, 49, 65, 81 ; t. XIII, p. 177, 193 et 209 ; t. XVIII, p. 289, 305 et 321.