milieu des rocailles et des conques, Neptune s’élance triomphant avec ses chevaux, des soubassements d’un palais contre lequel est appliquée cette machine énorme. Des bas-reliefs souples et jolis retracent la découverte de l’Aqua-Vergine par une jeune fille aux environs de Tusculum. De ces bassins superposés, des cavités de ces roches colossales où s’enroulent des plantes grimpantes ciselées en bas-relief sur la pierre brute, jaillissent en toutes les directions des trombes, des masses d’eau dont on n’a pas l’idée. C’est une cataracte, c’est un fleuve… en habit de théâtre. Ce sont au reste les eaux les plus limpides, les plus saines ; leurs salutaires vertus sont réputées curatives de douze maladies. Le torrent fait irruption avec le vacarme d’une cascade des montagnes.
Au bord de la vasque
inférieure, le soir, quand
la lune fait scintiller comme
les mailles d’un haubert
la surface de la nappe
agitée, on voit des jeunes
filles se pencher sur l’onde
tandis qu’un fiancé les
regarde pensif. Elles ont
puisé dans un verre neuf
qu’elles briseront quand il
aura servi, de cette eau
qu’elles présentent avec
La croix des Capucins, à la place Barberini. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.
un sourire d’espérance à
l’ami qui va les quitter
pour entreprendre un
voyage. C’est une tradition
populaire que si l’on
a bu l’eau de cette fontaine,
on ne peut s’éloigner
de Rome à jamais :
le sort vous y ramènera.
Pour les uns cette cérémonie
est la forme naïve
d’un vœu ; loués soient
ceux qui ont une foi pleine
aux présages de la fontaine !
Les Allemands
pensent la rendre favorable par des largesses : quand
ils ont humé le philtre du retour, ils jettent un sou
dans le bassin.
Faut-il juger la fontaine de Trevi au nom des principes d’un art sévère ? Non. C’est ce que l’on pourrait appeler du rococo triomphant, mais pourvu d’une ampleur, d’une somptuosité, d’une exubérance qui sont l’excuse et le divertissement du genre. Si l’on pouvait apercevoir à distance ce château d’eau si puissamment échafaudé, l’impression en serait pleinement victorieuse. On comprend au surplus que l’imitation sèche, appauvrie, d’un pareil style, comme on la voit en France et Surtout en Prusse, est la plus fruste des décadences.
C’est au temps d’Auguste que fut découverte l’Aqua Virgo, pour laquelle Agrippa fit creuser un aqueduc. J’aurais voulu voir, à l’époque où, placée dans la campagne à la croisée de deux voies, cette naïade abreuvait des troupeaux, l’appareil rustique et imposant que lui avait consacré le plus mémorable personnage de l’édilité romaine. Mais que de fois, me disais-je, on a dû refaire cet édifice depuis la dictature du vainqueur d’Actium !
Me sera-t-il permis de continuer à anticiper sur les observations des journées suivantes, pour achever ce qu’il me reste à dire sur ce sujet ?
Un matin qu’à deux cents pas de la place Trevi je passais dans la’’Via del Nazzareno, je vis au numéro 12 une petite porte d’où sortaient des gens portant sur des claies des charretées d’herbages lavés. Un escalier étroit avait le seuil pour première marche, et le vent de cette maison soufflait de la fraîcheur accompagnée d’un bruit d’eau battue. Je m’approche, je descends dans l’ombre une vingtaine de degrés, et je trouve une cave ruisselante, éclairée faiblement, où dans une auge de pierre très-longue qu’alimentaient deux jets abondants, des gens dans un but que j’ignore faisaient tremper du foin. Bientôt, le long du mur un entablement se dessina, et je finis par relever le cadre d’une longue et énorme inscription où le nom d’Agrippa me frappa tout d’abord : j’étais devant la fontaine primitive du temps d’Auguste ; son simple et bel appareil retrace les derniers âges de la République. L’inscription que le soleil éclaira jadis témoigne par son inhumation de l’exhaussement du sol sur lequel est bâtie la cité actuelle. Cette trouvaille m’a permis de regarder sans regrets la belle fontaine de Trevi ; car son appareil pompeux n’a point effacé celle d’Agrippa, qui jaillit vivante encore au fond de ce tombeau.
Mais le jour où je m’égarais pour la première fois défiant et désenchanté dans les rues de Rome, moins édifié sur les origines de cette fontaine, je me bornais à regarder avec surprise cet escamotage d’un fleuve sous une maison à pilastres, et la belle attitude théâ-