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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/68

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des femmes, lourdement chargés, qui traversaient le fleuve pour aller vendre les produits de leurs champs ou de leur industrie.

En général, les femmes étaient proprement vêtues de pagnes. Les Bambaras vont ordinairement nu-tête, quelques Peuhls aussi, surtout les jeunes filles. Des femmes de la classe aisée portaient un boubou absolument pareil à celui des hommes ; mais en grande majorité elles avaient les seins nus ou couverts d’un simple pagne jeté en écharpe. J’en remarquai un certain nombre qui avaient sur le front une espèce de collier ou de diadème en perles de couleur artistement assemblées, de manière à former des dessins rappelant ceux que chez nous les petites filles font sur des ronds de serviettes ou sur des bourses en perles ; elles portaient aussi des anneaux d’or ou de cuivre aux oreilles et au nez, de l’ambre et de la verroterie au cou ; chez quelques-unes, on voyait à profusion des anneaux aux bras, et chez d’autres une chaînette à la cheville. Quant aux hommes, leur costume était le même que partout ; seulement, quelques-uns se paraient du bonnet bambara jaune ou blanc, fait en coton. C’est un bonnet dans le genre de ceux des pêcheurs napolitains, mais orné de deux pointes, dont l’une est ramenée de côté sur le front et l’autre tombe derrière la tête. Le sac formé par le bonnet est utilisé pour loger une masse de choses, et en particulier les gourous ou noix de kolats, que tout bon Bambara s’empresse de mâcher dès qu’il peut s’en emparer.


La boucherie à Yamina (voy. p. 66). — Dessin de Émile Bayard d’après l’album de M. Mage.

En rentrant à la maison, j’y trouvai foule, car Famahra avait commencé la vente de mes marchandises, et le bon marché attirait. Je n’avais cependant exposé que peu de choses ; mais les grenats du Brésil et le corail rond séduisaient les Mauresques, et l’ambre no 1 et no 2 attirait tout le monde.

Ce qui se vendait le mieux est ce qu’ils appellent en peuhl le niayé ou la verroterie très-fine ; petites perles de toutes couleurs.

Je réalisai, dans les journées du 24 et 25, cinquante-quatre mille cauris, qu’il me fallut compter ; or, pour un débutant, c’était, on le comprendra d’après ce que j’ai dit plus haut, chose pénible et féconde en erreurs.

Je retournai ensuite au marché. C’est vers trois heures de l’après-midi qu’il est le plus animé. Il y avait foule et il s’étendait dans toutes les rues qui aboutissaient à la place. Il s’y trouvait une assez grande quantité de sel par plaques de un mètre vingt centimètres de longueur sur quarante centimètres de largeur et dix d’épaisseur. C’étaient des plaques moyennes, dont la valeur dépassait déjà mille cauris. Il y avait aussi une espèce de sel terreux bien meilleur marché, que l’on emploie en le mettant dans de l’eau à laquelle il abandonne son goût de sel et qu’on verse dans les aliments.

Dans quelques boutiques on vendait des étoffes anglaises. À part l’animation, le marché était le même que la veille, mais mieux approvisionné. J’y remarquai du tabac en feuilles par gros paquets : on en vend aussi de tout préparé pour priser, et les noirs en font une très-grande consommation. Je marchandai une feuille de papier écolier commun ; on m’en demanda cinquante cauris. Depuis, j’en ai vendu du pareil à un prix plus que double.

Le soir, on vint me dire que le chef du village arrivait