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ont donné leur nom au pays, est à peu près abandonnée. En 1810, elles rapportaient au gouvernement trente mille piastres par mois; en 1845, leur revenu total, pour toute l’année, n’excédait pas cent mille piastres; aujourd’hui il est à peu près nul. Le gouvernement reçoit la moitié du produit brut, qui s’élève seulement à quelques milliers de piastres; ce sont les Grecs qui dirigent les travaux.


XXII
Départ pour un kaïmackli. – Ce qu’on désigne ainsi. – Beaux paysages et excellent accueil que reçoivent les voyageurs. – Une chasse aux égagres. – Adresse et maladresse. – Ce que sont les chèvres sauvages. – Une battue à l’ours manquée.


Avant l’aurore, je délogeai sans bruit, et, accompagné de mon domestique, j’allai visiter un petit monastère voisin, avec l’intention d’y explorer quelques grandes prairies, les seules qu’on puisse voir aux environs de Grumuch-Khané.

Après une heure de marche par un sentier assez périlleux, nous aperçûmes un groupe de constructions au fond d’une gorge, sur le bord d’un petit ruisseau. Quelques grands peupliers et des champs verdoyants contrastaient heureusement avec l’aridité des terrains environnants: je trouvai charmant le site de ce monastère.

Les Grecs et les Arméniens, avec une ardeur jalouse, dépensent beaucoup d’argent pour la construction et l’entretien de ces établissements religieux, auxquels sont annexées des exploitations rurales.


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Chèvres sauvages.


Celui que j’avais sous les yeux appartenait aux Arméniens. Il se compose d’une église bâtie sur des ruines qui doivent être très-anciennes. A l’entour s’élèvent les maisons d’habitation des prêtres desservants, puis de vastes constructions où des salles et des chambres sont réservées aux nombreux fidèles qui, le dimanche, viennent y faire leur dévotion.

Beaucoup de ces pèlerins, parmi lesquels dominent les femmes, y font des neuvaines; ils y séjournent autant qu’il leur plaît, sans qu’il leur soit rien demandé. Chacun, en partant, fait quelque cadeau proportionné à ses ressources.

Sur le côté, et plus bas que l’église, son bâties toutes les dépendances de la maison rurale. Il y a là de beaux troupeaux de chèvres et de brebis qui donnent un lait délicieux dont on fait du beurre, du fromage et du kaïmack (crème bouillie); de là vient le nom de l’établissement que l’on appelle un kaïmackli.

Nous fumes fort bien accueillis par le prêtre et l’intendant du petit domaine. Après un repas frugal, mais excellent, j’allai chercher des insectes dans les environs.

Le soir, je retournai à la ville, me promettant bien de revenir le lendemain au kaïmackli, car j’avais fait pendant cette excursion la rencontre d’un vieux Kurde, nommé Youssouf, employé comme gardien de troupeaux. C’était un chasseur renommé qui m’avait promis de me montrer, sinon de me faire tuer, des ours, des chèvres sauvages et des perdrix.

Il vint en effet me prendre un matin, avant le jour, pour me conduire à la chasse de chèvres sauvages qu’il avait aperçues la veille. Nous mîmes plusieurs heures à gravir une montagne escarpée, sur la cime de laquelle se tiennent habituellement les égagres. A peine étions-nous arrivés au sommet que Youssouf me montra, à mille mètres à peu près de nous, quatre de ces animaux qui paissaient tranquillement Nous