coquillages ; tous, indistinctement, portaient au cou ou au poitrail des sonnettes, des grelots, et quelquefois d’énormes chaudrons faisant office de cloches, qui produisaient, orchestre étrange, un inimaginable charivari.
Trébizonde, batie en amphithéâtre sur le bord de
la mer, est, lorsqu’on arrive de ce côté, d’un très-bel
aspect. Sur le rivage s’élèvent
des maisons pittoresques,
aux couleurs
éclatantes, au-dessus desquelles
on aperçoit d’autres
constructions à demi
cachées parmi les arbres
fruitiers, les orangers et
les oliviers. Çà et là
émergent de la verdure
les élégantes colonnes
blanches des minarets.
Les lignes sévères des
ruines des anciennes fortifications
contrastent avec
ce riant tableau.
A l’est, la montagne de Bostepeh, taillée à pic du côté de la mer, descend en pente douce vers la ville. Sur ce coteau est situé un couvent de femmes, où l’on remarque un vieil édifice qui passe pour avoir fait partie du palais des Comnènes.
Les Turcs de Trébizonde sont fiers du nombre de leur mosquées qu’ils portent à quarante. Mais elles sont peu remarquables, et à part la mosquée de Sainte-Sophie située à peu de distance de la ville, le seul monument qui attira mon attention fut une église byzantine transformée en mosquée, et dont les murailles extérieures sont en partie ornées de mosaïques : elle s’élève dans la ville close, non loin du palais du gouverneur (sérail). En cet endroit, on me montra aussi quelques tronçons de colonnes et des chapiteaux intéressants.
Çà et là, on rencontre d’anciennes petites chapelles en ruine, qui ont été édifiées par les Grecs du Bas-Empire avec les débris des temples et des monuments des colonies grecques anciennes ; c’est du moins ce que j’ai cru reconnaître en regardant attentivement leurs bas-reliefs et leurs ornements, qui sont d’un style très-pur.
La ville turque ou ville close, dont nous venons de
parler, et qui occupe la partie ouest de Trébizonde,
est entourée d’une ligne de hautes murailles défendues
par de grosses tours. Cette enceinte a pour bases
d’énormes rochers qui dominent de larges ravins couverts
d’une riche végétation.
Les murailles et les portes d’entrée disparaissent en partie sous un épais feuillage de lierre. Les plus importantes de ces portes sont construites avec des débris d’architecture grecque et romaine. L’une d’elles est ornée d’une grande inscription grecque, en face de laquelle s’est blottie l’échoppe d’un tabellion turc, officier public qui ne serait en France qu’un modeste écrivain.
La ville chrétienne
n’est pas très-intéressante
si l’on veut la considérer
au point de vue
de l’architecture pittoresque ;
c’est là cependant
que se trouve le principal
bazar. La première
fois que j’y entrai, je fus
d’abord tout désillusionné
en n’y trouvant qu’en
très-petite quantité les
marchandises d’Orient
que j’espérais y voir ; je
n’apercevais guère autour
de moi que des contonnades,
des draps et
des bimbeloteries autrichiennes
et suisses ; mais
de fréquentes promenades
me firent peu à peu
découvrir les trésors cachés
de ce bazar où le véritable amateur de curiosités
orientales, s’il est muni d’argent, pourra s’abandonner
avec joie aux plus agréables séductions.
Depuis les tapis les plus riches de la Perse, du Khorassan et de Smyrne, depuis les étoffes d’Alep, de Diarbekir et de Brousse, jusqu’aux bijoux du filigrane le plus fin et le plus admirable, on trouve là tout ce qu’on peut souhaiter : des pierres fines de grande valeur, des armes hors ligne, des monnaies anciennes, rares et précieuses ; mais il faut savoir les chercher dans les ruelles étroites et les sombres petites boutiques du Bit-Bazar (bazar des Poux), sorte de marché du Temple, où les tellalis (crieurs publics)