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li LE TOUR

forme du pique des cartes à. jouer, la hampe de celuici figurant la passe, qui n’a que cent mètres de large et se dirige à peu près au sud-ouest. Des ruines de construction arabe, bâties avec de la pierre et de la chaux, montrent que ce point du rivage est fréquenté d’ancienne date. Les gens font un peu de commerce en copal et en orseille. Un employé de la douane de Zanzibar préside à. la perception des droit.s, qui sont très-minimes, et un djémadar (chef militaire) est la première autorité du lieu.

4 avril. - Au moment de partir, un de nos ânes a été si cruellement déchiré par un de 110s buflles qu’il a fallu l’abattre. Nous avons ensuite rogne les cornes de l’agresseur, selon le principe des gens qui ferment l’écurie quand le cheval a été vole ; puis nous nous sommes mis en route, et nous avons gagné l’habita lion du djémadar. Celui-ci a largement protesté de son désir de m’être utile ; en attendant, il m’a logé dans une misérable case, où entraient le vent et l’averse, et m’a. trompé en me disant qu’on ne trouvait pas à lot.-er de porteurs dans les tribus voisines : mensonge que les autres m’ont confirmé. Ce sont de vils Arabes de la côte, des métis aux trois quarts africains, et possédant, comme toujours, les défauts des deux races sans en avoir les qualités.

6 avril. -Longé la baie vers le sud-ouest, et couché dans un village. Il y à six bourgades autour du port intérieur ; la population, y compris les esclaves, peut être de trois cents personnes.

7 avril. -Marché au sud, avec un Somali pour guide ; un homme obligeant et d’une figure agréable, auquel je donne vingt dollars pour nous conduire à Ngomano. Le chemin se déroule dans une vallée boisée sur les deux rives, et dont l’herbe, qui nous domine de beaucoup, produit une sensation d’étoul’fement : pas un soufllc d’air, et le soleil nous tombant à plomb sur la tète.

Lundi, 8 avril. - Passé la journée d’hier à Nyanghédi. Dans la soirée, nos chameaux et nos bufíles ont été píqués par la tsétsé pour la première fois. Aujourd’hui, traversé des fourrés n’oll’rant aux hommes aucun obstacle, mais dans lesquels il a fallu ouvrir un passage aux chameaux. Fort heureusement les Makônndés du village se sont loués avec joie en qualité de bûcherons et de porteurs. D’après ce que m’avait dit le djémadar, de l’impossibilité d’avoir plus loin des aides, j’ai laissé cliez lui beaucoup de choses que je regr ette.

De temps à autre nous débouchons dans de vastes clairières, où les Makônndés cultivent du sorgho, de la cassave et du maïs. Les gens sont beaucoup plus intéressés par la vue des chameaux et des buffles que par la mienne. Ils ont, quant à. eux, le front d’une forme assez nette, mais étroit et un peu bas ; les ailes du nez largement étendues, les lèvres pleines, sans excès d’épaisseur ; le corps et les membres bien faits ; de petits pieds, de petites mains ; la peau, d’un brun foncé chez les uns, d’un-brun clair chez les autres ; la taille DU MONDE.

moyenne, la démarche assurée, l’air indépendant. Leur peuplade n’a pas de grand chef, et ses villages n’ont entre eux aucun lien.

10 avril. - Gagné la bourgade de Narri, par 10° 23’ Ur” de latitude méridionale. Notre course est à peu près au sucl ; elle nous fait suivre des vallées, d’on nous sortons souvent pour gravir les côtes. Sur les hauteurs sont des villages que nous quittons pour redescendre dans un autre ouadi, quelquefois dans le même. On ne voit pas d’eau courante ; les habitants dépendent de leurs citernes.-11

avril. - Nous allons toujours au sud et continuons a monter. Le sol est très-fertile, mélangé de beaucoup de sable ; mais pas de roche apparente. Du sorgho et du maïs luxuriants, du manioc de sept à huit pieds de hauteur. Les bambous sont arrachés, répandus sur la terre et brûlés pour servir de fumure. 12 avril. - Au départ, le fourré était si épais que mes hommes ne croyaient pas pouvoir l’ouvrir : cela a continué ainsi pendant cinq ltiloniètres. Les arbres ne sont pas gros, mais tellement serrés qu’il faut une grande somme de travail pour élargir le chemin et pour hausser la voùte. Avant que la traite eùt décimé la population, tous ces fourrés étaient en culture ; clest pour cela qu’on n’y voit pas de grands arbres. Beaucoup de tiges ne sont que de la grosseur d’une perche ; mais elles se trouvent mêlées à tant de lianes que l’aspect est celui du gréement d’un navire, jeté pèle-melo de tous les côtés. Un grand nombre de ces lianes ont des sarments «le trois à quatre pouces de diamètre. L’une d’elles peut être comparée pour la forme au fourreau d’un sabre de dragon ; mais, sur les deux faces, elle porte une crête d’où surgissent, it égale distance, des bouquets d’épines acérées. Ainsi armée, elle pend en droite ligne sur une longueur ÿenviron deux mètres ; puis, comme si elle n’avait pas de la sorte assez de chance de blesser, elle se tord brusquement, de façon à mettre ses clards cruels a angle droit avec ceux qui précèdent. Darwin a observé de nombreux exemples de ce qui, dans ces lianes, paraît être de l’instinct. L’espèce dont nous parlons semble avide de nuire ; ses lames enimèlées se tendent pour infliger des blessures aux passants. Une autre est si tenace qu’elle ne peut être rompue avec les doigts. Il en est une qui paraît d’abord sous l’a : ; pect d’un jeune arbre ; mais avec les habitudes désordonnées de sa classe, elle abandonne bientôt la forme régulière pour jeter ses cables à cinquante ou soixante pieds de distance : vous la coupez ici, croyant en être quitte, et vous la retrouvez à quarante mètres plus loin. Une autre encore ressemble à une feuille d’aloès, mais enroulée comme les tortillons qui sortent d’un rabot. Sa voisine est armée de grappins disposés de façon à retenir l’homme qu’elle saisit, et ainsi de suite. Gontre ces plantes, qui semblent appartenir à la flore des terrains carbouiferes, s’escriment dix jeunes et vaillants Malténndés. Habitués qu’ils sont au défrichement de ces Lois, ils y vont de bon cœur, taillant et