EXCURSION AU CANADA ET À LA RIVIÈRE ROUGE DU NORD,
XII
Nous entrons ici dans une des plus singulières régions du monde entier, région qu’on pourrait appeler à bon droit « le pays des lacs ». Les indications sommaires fournies par les cartes ne sauraient donner qu’une idée fort imparfaite du nombre de ces nappes d’eau douce, qui, s’étendant des deux côtés de la « Hauteur des Terres », déversent leur trop-plein dans les bassins du Saint-Laurent et de la rivière Winnipeg. Les cartes ne marquent, en effet, que les lacs qui se rencontrent sur les différents itinéraires reconnus ou levés à diverses époques par des « partis » d’explorateurs : elles en omettent une infinité d’autres, fréquentés des seuls Indiens, qui par leur moyen sillonnent le pays dans toutes les directions sans se laisser arrêter par les rapides, les chutes ou la séparation des bassins. Ils sautent les rapides dans leurs légères embarcations d’écorce, contournent les chutes trop redoutables par un « portage » latéral, généralement très-court, et franchissent les lignes de faîte qui s’interposent entre deux lacs voisins par d’autres portages ouverts sur les points fixés par l’expérience et la tradition. Canots et bagages sont alors transportés à travers bois, sur les épaules des navigateurs. Dans ce pays semi-aquatique, la recherche d’un portage avantageusement situé acquiert toute l’importance que prendrait ailleurs la découverte d’un gué de rivière. Seulement, ici la route c’est l’eau, le véhicule c’est le canot ; et c’est la terre qu’il faut en quelque sorte traverser à gué. « Ici, comme le dit M. Dawson dans un de ses rapports, chaque rivière, chaque ruisseau à ses lacs. Qu’il aille dans quelque direction que ce soit, l’explorateur en franchissant une colline est sûr de tomber sur un lac. Il y en a tant qu’il serait difficile de décider s’il ne vaut pas mieux décrire
- ↑ Suite. — Voy. t. XXX, p. 97, 113, 129 ; t. XXXV, p. 225.