chansons de « voyage » dont le rhythme se marie si bien au mouvement des rames. Ne leur demandez ni rimes riches, ni jeux d’esprit, ni saillies à la mode, non plus que les combinaisons d’une musique savante, à ces chansons vieilles peut-être de deux siècles. En dépit des altérations qu’elles ont subies en passant de bouche en bouche, il ne serait pas impossible de découvrir leur parenté avec quelque air rustique encore bien connu dans nos campagnes normandes ou poitevines. Elles n’en font pas moins plaisir à entendre, sur les lacs et les rivières de l’Amérique du Nord, à plus de mille lieues de la patrie. Les intrépides chasseurs canadiens les chantent jusqu’au bord des eaux glacées du majestueux Mackenzie, dans les passes des Rocheuses, sur les rivières du Labrador. Longtemps encore elles seront répétées par les échos du haut Missouri, de la Saskatchewan et des innombrables tributaires du fleuve Saint-Laurent. Elles ont inspiré courage et vigueur aux premiers explorateurs de ces immenses régions, à ces hommes de fer, qui, si la France eût su les soutenir, eussent donné à notre race l’empire du Nouveau-Monde !
À dix heures du soir, nous arrivâmes aux chutes de la Chaudière (Kettle Falls), où se termine la première section de la route Dawson.
XIII
Arrivés à dix heures du soir à Kettle Falls, nous en partîmes de si bon matin qu’il me fut impossible de donner un coup d’œil à la chute dont Île portage a pris le nom. Je dus également renoncer à voir un troisième Parisien qui remplissait à cette station les modestes mais utiles fonctions de cuisinier. Vu le peu de variété des denrées alimentaires en usage sur la route Dawson, il ne devait pas avoir, à vrai dire,