sans se lancer dans une description scientifique très compliquée : contentons-nous donc d’interpréter un peu le beau dessin de la page 313. Au fond d’une alcôve évidée dans la muraille d’un petit causse secondaire, une cascade sort d’une haute fissure ; les parois mesurent environ 150 mètres de hauteur et la cascade 10 ; c’est le mugissement du torrent aux hautes eaux qui a inspiré le nom de Bramabiau, beuglement de taureau. Le site est beaucoup plus extraordinaire que la célèbre fontaine de Vaucluse, pour plusieurs raisons : d’abord la falaise, au lieu d’être grise et terne, a une couleur brune fort chaude de ton ; puis la nature du terrain (calcaires de l’infra lias), très fissuré, disposé en lits parallèles, et découpé en silhouettes étranges, donne à l’ensemble l’aspect d’une construction surhumaine, avec assises de pierres de taille ; enfin on peut s’avancer de quelques mètres dans la haute fissure d’où sort le Bramabiau, jusqu’au pied d’une deuxième cascade intérieure, invisible du dehors ; au delà de cette seconde chute infranchissable, la voûte de la fissure se perd dans l’obscurité et l’on entend les eaux gronder dans les entrailles de la montagne. C’est que la crevasse ainsi taillée au fond de l’alcôve joue le rôle d’une véritable barbacane, c’est-à-dire d’une de ces ouvertures pratiquées, pour faciliter l’écoulement des eaux, dans les murs de soutènement. Les parois de l’alcôve figurent en effet un vrai mur de soutènement, un mur soutenant au-dessus du ravin de Bramabiau le plateau du Bonheur ou de Camprieux. Le ruisseau de Bonheur, qui traverse ce plateau, se déversait jadis en cascade le long des escarpements de l’alcôve ; un jour vint où il rencontra sur sa route un de ces gouffres nommés avens qui criblent la surface des causses : englouti par cet aven, il coule sous terre pendant 500 mètres dans des canaux insondables, il s’écroule de chute en chute à travers des cavités secrètes et reparaît, sous la forme et le nom de Bramabiau, à 150 mètres au-dessous du point où il s’est engouffré ; c’est la dernière de ses chutes internes que l’on voit en s’engageant un peu dans la fissure. En un mot, d’extérieure qu’elle était, la cascade est simplement devenue souterraine. Mais ce qu’il y a de plus curieux sans contredit parmi toutes ces fantaisies géologiques, c’est que le Bonheur, avant de se jeter dans l’aven du haut plateau, a complètement troué une digue de rochers qui lui barrait le passage : par un travail d’érosion qui frappe d’étonnement le spectateur, l’humble ruisseau a foré là un tunnel de 80 mètres de longueur, de 20 mètres de largeur et de 12 mètres de hauteur, de forme rectangulaire et régulier, comme si un ingénieur en eût tracé le plan ; on peut le parcourir à pied côte à côte avec le Bonheur, qui va se perdre dans l’aven en sortant de la monumentale galerie. Ainsi Bramabiau comprend trois parties : un tunnel (sur lequel passe une route), une cascade souterraine, dont on ne peut suivre les évolutions, la source et l’alcôve du Bramabiau proprement dit. Je demande si rien de pareil se rencontre à Vaucluse. Il y a longtemps que les géologues vont s’extasier à Bramabiau : mais les touristes l’ignorent encore.
De Meyrueis ou de Bramabiau on peut, par Lanuéjols, gagner la vallée de la Dourbie, au sud du causse Noir, Saint-Véran, Montpellier-le-Vieux et Millau.
Saint-Véran est un petit village du causse Noir cramponné à un chaos de rochers au-dessus de la Dourbie, en face du Larzac : le ravin qui s’ouvre derrière forme encore un cirque, un ensemble d’accidents dolomitiques, comme celui de Madasse, comme ceux de Montpellier-le-Vieux, avec les fûts de colonnes, les chapiteaux, les aiguilles et les champignons si abondants dans ces terrains. Le tout est dominé par un énorme massif de rocs, taillé en forteresse et dont un