Page:Le Tour du monde - 52.djvu/320

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Les habitants de Maubert, hameau situé à dix minutes des ruines, disent bien que, il y a une trentaine d’années, un des leurs (mort aujourd’hui) vit en Afrique, au régiment, un dessin où il reconnut ses rochers de Montpellier-le-Vieux, et que, il y a longtemps, un monsieur passa chez eux dix jours et employa tout son temps dans la ville maudite à tirer des plans (lisez à dessiner)[1]  : mais ce précurseur n’a pas donné signe de vie, n’a pas fait connaître sa découverte ; rien n’a été publié avant 1883 : c’est donc à l’opuscule de M. Louis de Malafosse seulement que remonte l’acquisition géographique de Montpellier-le-Vieux.

Il y a deux ans à peine, c’était chose fort amusante que de voir les indigènes tout stupéfaits de notre admiration :

« Mais c’est de mauvais pays, disaient-ils en leur rude patois ; c’est tout de rocs ; y a pas de maisons !

— Laissez-nous faire, répondions-nous, faute de maisons, il y aura bientôt des pièces de cent sous à gagner. »

Et la prédiction se réalisa dès 1885 : au mois d’août 1885 je trouvai bien changé le langage de ces braves gens.

« C’est vrai tout de même, monsieur Martel : ce n’est pas du si mauvais pays ; il en vient, du beau monde ! ils nous ont déjà payé toutes les taxes de l’année. »

Et de prendre des licences de débitants, et de construire des chambres, et de dresser leurs mulets au service des touristes !

J’avoue avoir pris grand plaisir à contribuer au lancement de ce beau pays, ignoré hier, célèbre demain, et dont les habitants ont si vite connu leurs vrais intérêts !

Porte de Mycènes (voy. p. 316). — Dessin de Vuillier, d’après une photographie de M. Trutat.

Pour le moment Montpellier-le-Vieux n’est encore ni nommé, ni figuré exactement sur la carte de l’état-Major[2] : on en trouve l’emplacement (feuille de Séverac, no 208, partie sud-est) entre Maubert au nord, le Riou-Sec à l’est, la Roque-Sainte-Marguerite et la Dourbie au sud, le Valat-Nègre à l’ouest. La carte indique bien quelques-uns des ravins qui sillonnent le socle de la Cité, mais la partie centrale, la ville proprement dite, y est représentée, au sud-sud-est de la cote 822, par un blanc en forme de pointe de flèche ; ce blanc fait croire à l’existence d’une plaine unie : or c’est là tout au contraire que se trouve la partie la plus bouleversée des Cévennes.

Autour d’un massif central, la Citadelle, qui atteint 830 mètres au point culminant, se groupent en cercle cinq dépressions ou cirques, presque entièrement clos, le Lac, les Amats, la Citerne, les Rouquettes et la Millière, profonds de 80 à 120 mètres : cette acropole et ces cinq cirques sont enfermés du côté des ravins dans une circonvallation rocheuse percée d’étroites brèches et qui n’est autre que le rempart dolomitique paraissant continu du fond de la vallée de la Dourbie. L’enceinte intérieure ainsi constituée comprend une surface de 120 hectares. En dehors des édifices rocheux et des colonnades naturelles s’écroulent en tumultueuses cascades de pierre jusqu’aux thalwegs de la Dourbie et de ses ravins tributaires : de Maubert à la Roque et au Valat-Nègre la superficie atteint réellement 600 hectares. Enfin, comme toutes les places fortes de première classe, Montpellier-le-Vieux possède une véritable ceinture de forts détachés au delà des

  1. J’ai appris récemment que ces dessins étaient dus à l’un des officiers qui avaient levé vers 1854 cette portion de la feuille de Séverac ; un dessinateur du Dépôt de la Guerre se rappelle avoir vu jadis des aquarelles de Montpellier-le-Vieux ; malheureusement ces aquarelles ont été dispersées ou perdues à la mort de leur auteur.
  2. Il le sera prochainement d’après mes indications.