Page:Le Tour du monde - 52.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour se diriger dans les ruines : c’est un tel dédale, un tel labyrinthe, qu’un touriste seul se perdrait bien vite dans l’enchevêtrement des avenues et des passages sous roche.

La Basilique (voy. p. 318). — Dessin de Vuillier, d’après une photographie de M. Chabanon.

Je dois une mention au brave garçon qui, maintenant, connaît mieux que personne les détours de la cité fantastique, car il m’a servi d’aide tandis que j’en levais le plan ; il en a scruté avec moi tous les détails et tous les recoins : Émile Foulquier (de Peyreleau) mérite bien, par ses bons soins et les services qu’il a rendus aux révélateurs, de Montpellier-le-Vieux, de figurer en portrait à côté des curiosités de son pays.

Le guide Foulquier. — Croquis de Vuillier, d’après nature.

On aurait besoin de longues heures pour apprécier à sa vraie valeur la Karnak du causse Noir : une journée n’est pas de trop ; les vrais curieux en emploieront même deux. J’ai vu des touristes descendre de là-haut sans étonnement après une sommaire visite de deux ou trois heures : ils n’avaient pas pris le temps de comprendre la merveille !

C’est qu’en dehors de la ville intérieure il faut voir ses ravins et ses faubourgs, il faut prendre une vue d’ensemble soit des pentes extérieures du soubassement (Plan del Ramié, par exemple, sur la rive gauche du Valat-Nègre), soit de Caussou, soit de Roquesaltes : une demi-journée devrait toujours être consacrée à monter à Pierrefiche sur le Larzac, de l’autre côté de la Dourbie, pour plonger de là sur tous les cirques, les ravins, les forts détachés, et les embrasser d’un seul regard dans un tableau vraiment féérique au coucher du soleil. Alors on verrait, comme dans les autres vallées des causses, flamboyer les rouges dolomies du Larzac et du causse Noir, tandis que Montpellier-le-Vieux illuminé en rose semblerait une nouvelle Sodome consumée par le feu du ciel.

Mais il faut quitter la ruine enchantée et, tout rêveur, regagner Millau par la jolie vallée de la Dourbie, aussi belle que celle de la Jonte.

Ici se termine le voyage des causses, qu’on n’oublie jamais et que l’on veut recommencer quand on l’a fait une fois seulement. La France possède assurément dans les gorges du Tarn. Bramabiau et Montpellier-le-Vieux des paysages sublimes et extraordinaires que l’Amérique même pourrait lui envier. Pour se punir d’en avoir connu si tard l’existence, pour se faire pardonner de les avoir si longtemps négligés, il faut que tous les touristes français aillent en pèlerinage aux causses, la vraie terre des merveilles d’Europe, une des grandes curiosités du globe !


E.-A. Martel.