LE TOUR DU MONDE
NOUVEAU JOURNAL DES VOYAGES
Phænix-park, lieu de lattentat des Invincibles (voy. p. 4}. — Dessin d’’O. de Champeaux, d’après nature.
TROIS MOIS EN IRLANDE,
PAR ME MARIE ANNE DE BOVET.
1889. = TEXTE ET DESSINS INÉDITS.
DUBLIN
L’arrivée-dans les pays où l’on n’a accès que par mer offre un charme singulier. Lorsqu’on s’est embarqué à Holyhead pour Kingstown — via Royal Mail — et qu’après trois heures d’une traversée généralement houleuse, l’île que Diodore appelait Hyperboréenne commence à profiler sa masse sombre sur l’horizon empourpré par le couchant, l’attrait d’une terre inconnue se double du mystère dont l’enveloppe, comme de voiles de gaze, son éternelle brume blonde où le soleil qui s’abaisse jette des flambées d’or. On prend un plaisir d’enfant à voir à chaque tour de roue du bateau se préciser les détails de la côte, et à s’efforcer de distinguer la configuration de l’immense baie de Dublin, traditionnellement assimilée par les Irlandais à celle de Naples. Quand la nature ne fait pas seulement deux feuilles pareilles sur le même arbre, pourquoi cette fureur de comparaison entre des sites et des climats
LIX. — 1513° cv.
divers ? La vérité est qu’une baie ressemble à une autre baie comme un homme à un autre homme, Celle de Dublin ne le cède en beauté à aucune des plus réputées : qu’elle se contente de ses mérites, qui sont considérables, et qu’elle laisse Naples tranquille. Malheureusement ses charmes sont discrets et ne se révèlent pas tout d’abord. Trop souvent les contours de la chaîne de nontagnes dont elle est enserrée se trouvent noyés de nuages qui donnent à ses eaux unæteinte plombée contrastant mélancoliquement avec limmensité glauque du large, sabrée de longues bandes violettes. Il en résulte une impression grise ct vague, quoique non sans douceur,
Le premier objet qu’on aperçoit en débarquant est un obélisque trapu et fort laid, surmonté d’une couronne qui repose sur un coussin. L’emblème n’est pas mal choisi pour rappeler la mémoire du monarque
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