muns sont disséminés dans un jardin assez bien entretenu. On y pénètre après avoir passé dans une petite cour d’entrée où se tiennent les satellites, qui se font largement payer l’introduction des quémandeurs et des marchands ayant quelque affaire à proposer.
Dans les maisons ordinaires, les pièces de réception sont directement sur la rue, d’où l’on aperçoit ce qui se passe dans l’intérieur, les portes étant généralement ouvertes pendant la belle saison.
Nous sommes également reçus à cœur ouvert par Mgr Blanc, évêque de Corée, le Père Cotte et ses collègues. Ils me font même don de divers objets trouvés dans les fouilles qu’on exécutait en ce moment pour la construction de l’église catholique. Le terrassement en est déjà fait sur une éminence, où la cathédrale dominera bientôt superbement la capitale. Je visite aussi les bonnes sœurs arrivées par le bateau qui a précédé le nôtre. Elles ont déjà ouvert une école et recueilli une centaine de petits enfants des deux sexes, qu’elles instruisent maternellement et qui paraissent beaucoup les aimer. Comment en serait-il autrement avec ces saintes femmes ? L’une a consacré plus de vingt-cinq ans de sa vie aux Missions sénégalaises, et l’autre, charmante jeune fille d’une rare beauté, vient de renoncer à toutes les joies du monde pour embrasser son héroïque carrière. Elles sont aidées par une jeune sœur chinoise, qui lutte avec elles de sacrifices et de tendresse. Nous complétons souvent notre journée en visitant quelques monuments, puis nous rentrons pour le dîner, où, grâce à mes aimables hôtes et à quelques attachés de légations européennes invités, nous passons des soirées que je compte parmi les plus charmantes de ma vie.
Ai-je besoin de dire qu’on parlait souvent de l’organisation, de la vie et des mœurs de la capitale ? C’est ainsi que j’appris que Séoul est à la Corée ce que Paris est à la France, car la centralisation y est identique et domine, ici comme chez nous, tout le pays. Ce fut seulement dans les premiers temps de la dynastie des Ming en Chine que le roi de Kaoli, Lilan, quitta Khaï-Tcheu et s’établit à Séoul, séduit par sa magnifique situation. En effet, au nord, la montagne de Hoa-chan entoure la ville comme une formidable armure ; à l’est s’étend une chaîne dont chaque passage était jadis gardé, tandis qu’au loin, à l’ouest, se dessine le contour sinueux des côtes baignées par la mer, et qu’au sud le Han-kang forme comme une ceinture. Depuis cette époque Séoul est demeurée la capitale du royaume. C’est de là que le roi gouverne d’une façon absolue ses seize à dix-huit millions de sujets, car il porte la triple couronne : grand-prêtre, il officie pour son peuple ; père de la nation, il l’administre comme sa propre famille ; enfin, gardien de la sécurité de tous, il décide de la paix ou de la guerre, et nul ne pourrait toucher, même involontairement, à sa personne trois fois sainte sans mériter la mort. Une telle vénération mêlée à tant d’autorité amena bientôt les souverains à demeurer absolument renfermés dans leurs palais, au milieu de femmes, de concubines et d’eunuques ; ce sérail abusa souvent de l’isolement royal pour pressurer le peuple qui n’en adorait pas moins son roi, le sachant complètement innocent de ses malheurs. Cet état de choses se maintint jusqu’à et durant toute la minorité du roi actuel. Le régent, homme aux antiques préjugés, détestant tout ce qui est étranger, ordonna à cette époque de sanglantes persécutions contre les chrétiens du royaume. Il amena ainsi, par représailles, diverses expéditions militaires de la Russie, de la France et des États-Unis. La situation extérieure s’assombrissait chaque jour davantage pour la Corée, lorsque arriva la