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des amis et nous offre de nous faire les honneurs de la ville. Nous acceptons à dîner pour le soir, et descendons tous à terre.

Fou-Sane possède une concession japonaise, sur laquelle se trouvent le consulat de l’empire du Soleil Levant, la douane, les bureaux et magasins de la compagnie Nippon Yuecsan Kaisha, à laquelle appartient le Tokio-Maru, et un assez grand nombre de boutiques de toutes sortes.

La concession est beaucoup moins propre et beaucoup moins pittoresque que les villes japonaises. Les maisons sont cependant plus larges qu’à Nagasaki.

BATEAUX DE PÊCHE À MOGUÉ[1] (PAGE 186).

Björnson nous conduit d’abord chez lui. Sa maison n’est pas grande, mais elle est très bien arrangée. On y sent l’homme qui doit vivre en ermite. Sous un hangar, dans un coin sombre, est perché un énorme grand-duc, attaché par la patte. C’est l’heure de son repas. On lui apporte deux gros rats vivants. Il les saisit par la tête et les avale d’un seul coup, sans même se donner la peine de les tuer. Il paraît que dans une heure ou deux il se débarrassera des poils et de la peau. Nous n’attendons pas cette seconde partie de l’opération.

La concession est adossée à une colline assez élevée, couverte de beaux arbres, mais dont l’accès est interdit aux promeneurs. Une barrière en bois l’entoure. Au sommet est un petit temple. Contentons-nous, comme tout le monde, de faire Le tour de ce lieu sacré.

Nous traversons d’abord le marché aux poissons. Sur de longues cordes sèchent au soleil des queues et des ailerons ou nageoires de requin. Il y en a une telle quantité que nous nous imaginons voir le produit de la pêche d’au moins une année. Mais quelle n’est pas notre stupéfaction, en arrivant au bord de l’eau, de trouver étendus sur le rivage et privés de leur queue et de leurs nageoires plus de deux cents requins, tout frais, rapportés la nuit dernière par les pêcheurs rentrant avec la marée !

Une pareille abondance de ces mangeurs d’hommes nous donne une idée du danger que l’on court en se risquant, même à proximité des rivages, en eau trop profonde. Et nous, qui si souvent nous sommes baignés pleine mer sur les côtes de Chine, du Japon et de Corée ! Je me promets bien de ne plus recommencer.

Quelques-uns de ces requins ont près de trois mètres.

De temps en temps, des Coréens arrivent avec des perches en bambou, achètent un de ces squales, pour presque rien, et l’emportent à deux ou quatre, suivant

  1. Dessin de Th. Weber, gravé par Ruffe.