le poud, fait 272 kilogrammes, soit près d’un million de francs.
Cent Cosaques à cheval ont été envoyés dans toutes les directions. Mais jusqu’à présent aucune piste sérieuse n’a été découverte. L’opinion générale est que l’or a été enterré et que ce ne sera que dans quelques mois, pendant le traînage, qu’on cherchera à l’écouler, probablement avec l’aide des banques chinoises.
27 juin. — Je cours dès l’aube chez M. Ninaud. Cet excellent homme veut bien me servir de guide. Il est négociant en même temps que pâtissier et confiseur, et jouit à Blagovechtchensk de l’estime universelle. Il a épousé une Sibérienne et a des enfants charmants, dont un, âgé de plus de vingt ans, a fait ses études à Paris.
L’hôtel de ville n’est qu’à deux pas. Il est de construction toute récente ; le maire, dont c’est l’œuvre capitale, serait, me dit-on, très flatté de m’en faire les honneurs. Il désirerait me montrer le musée qui occupe l’étage supérieur. Je ne suis pas moins désireux de visiter ce musée, qui possède un remarquable modèle en bois de la principale mine d’or sur la Zéa, représentant exactement, en miniature, tous les travaux exécutés sur cette mine ; puis toute une série d’échantillons des terrains aurifères du pays.
Sur une planche, dans une vitrine, est une très belle peau, non montée. Le maire la met dans mes mains, en me disant : « Voici le lièvre noir, qui n’existe qu’en Sibérie ! » Dans ma joie de trouver ici une preuve de l’exactitude d’une de mes observations, je saisis la peau par la tête et par la queue, puis, pour mieux examiner la beauté de la fourrure, je donne un coup sec, ainsi que cela se pratique pour faire redresser les poils, mais la peau déjà vieille se déchire par la moitié, et me voilà les bras écartés au bout desquels pendent, d’un côté la tête, de l’autre la queue de l’infortuné lièvre noir. Jamais je ne me suis trouvé aussi sot. On voulut bien m’assurer que le mal n’était pas grand et qu’il serait très facile de se procurer un autre spécimen du curieux animal ; c’est égal, je conseille de se méfier du lièvre noir en tant que fourrure : c’est une peau peu solide.
À signaler aussi un joli bouquin porte-musc tué dans les environs. Il est muni à la mâchoire supérieure de deux longues dents un peu recourbées, qui dépassent Les lèvres d’au moins 4 centimètres.
Puis un champignon énorme que l’on nomme dans le pays « pied de cheval », à cause de sa forme toute particulière. Il ressemble en effet à s’y méprendre à un pied de cheval, dont il a les dimensions. Ce champignon, que l’on m’a dit à Paris, au Muséum, être le Polyporus sulphureus, est très recherché ici, non pour ses qualités comestibles, car il ne peut être mangé, mais parce qu’il remplace admirablement le savon, fort cher dans ces pays éloignés. Mme Popoff m’affirme que dans beaucoup de familles on ne se sert que de ce champignon pour les lessives.
À midi, au moment du déjeuner, nous voyons entrer dans le salon un de nos passagers, avec lequel nous n’avions échangé depuis Habarovka que des saluts. C’est l’homme le plus simple qu’il soit possible d’imaginer. Rien ne révélait à bord sa haute position, car il ne portait même pas la casquette officielle. Aujourd’hui il est en grand uniforme. C’est, me dit-on, le général Kapoustine, contrôleur général des finances, postes et télégraphes, le fonctionnaire Le plus important et le plus puissant de toute la Sibérie, entre le Baïkal et l’océan Pacifique, après le gouverneur général. Ses huit enfants, dont l’aîné n’a pas quinze ans, vont, accompagnés de leur mère, à Tomsk, pour faire leurs études. Le général les conduit jusqu’à Irkoutsk. Nous découvrons tout d’un coup que nous avons tous les deux autrefois su l’allemand et qu’il nous en reste encore assez dans la mémoire pour causer ensemble. Quant à Mme Kapoustine, elle le parle comme le russe.
Son Altesse Impériale le Tsarevitch a fait à Blagovechtchensk un séjour de quarante-huit heures. Naturellement il devait loger chez le gouverneur. Tout le monde connaît la touchante coutume russe qui veut que l’on offre à son hôte le pain et le sel. Pour cette cérémonie, la ville de Blagovechtchensk fit fabriquer un plat et une salière dont elle fit hommage au prince. Le maire eut l’amabilité de m’offrir une photographie
- ↑ Gravure de Bazin, d’après une photographie.