Page:Le Vavasseur - Églogues, Lemerre, 1888.djvu/102

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Croit honorer son maître en restant domestique.
Il a servi le père, il sert le fils aîné,
Le maître d’aujourd’hui ; ce fils n’était pas né
Quand Jean vint à la ferme ; aussi le nouveau maître
Traite en vieux précepteur l’homme qui l’a vu naître.
Il se souvient encor, qu’étant petit garçon,
Petit-Jean lui chanta sa première chanson
Et que sa main calleuse, endurcie au service,
Guida dans les guérets le laboureur novice ;
À table, aux champs, au banc de l’église, partout,
Après le maître Jean prend sa place au haut bout ;
Sa cuiller dans le plat se plonge la seconde ;
Il boit le second coup quand on verse à la ronde ;
Jean a son franc-parler et ne se gêne pas
Pour conseiller tout haut et critiquer tout bas.
Il aimait le progrès, dit-on, dans sa jeunesse,
On l’entendait grogner et maugréer sans cesse
Contre les préjugés des maîtres routiniers
Qui laissent s’échauffer le blé dans leurs greniers,
Fument peu, hersent mal et labourent à peine,
Mesurent le pain dur à leur monde affamé
Et veulent récolter ce qu’ils n’ont point semé.
Peu s’en faut qu’il ne prèche à la fin de sa vie
La routine qu’il a si longtemps poursuivie ;
C’est qu’avec la routine, oubliée aujourd’hui,