Page:Le Vavasseur - Églogues, Lemerre, 1888.djvu/213

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Et nous leur supposons de sinistres pensées.
Qui donc, lorsqu’il se sent frôlé par son prochain,
S’avise en bon chrétien de lui tendre la main ?
Le premier mouvement n’est-il pas, sans reproche,
De mettre en maugréant, cette main sur sa poche ?
Dans son amer soupçon on demeure isolé,
Et l’on crie : Au voleur ! avant d’être volé.

Certes, cela, Messieurs, n’est guère charitable ;
Un peu de confiance est bien plus équitable ;
Nous avons tous du bon dans l’âme assurément,
Et le cœur ne s’éteint que faute d’aliment.
Cherchons patiemment les qualités des autres
Et voyons leurs défauts pour corriger les nôtres.
Faut-il donc être saints pour en arriver là
Et ne peut-on tenter de pratiquer cela ?
Au moins faut-il, au temps de déroute où nous sommes,
Chercher quelque terrain pour rallier les hommes.
C’est pour cela, Messieurs, que nous sommes venus,
Pour faire des amis avec des inconnus,
Pour ouvrir une arène indulgente et féconde,
Un champ neutre et paisible, offert à tout le monde
Et nous sommes heureux, n’étant guère exigeants,
D’être un trait d’union entre les braves gens.