Page:Le Vavasseur - Églogues, Lemerre, 1888.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Au tirage, si bien que le sergent s’y prit,
Il ne put lui trouver la taille d’un conscrit.
Jean, faisant une mine effarée et matoise
Aux géants qui riaient de le voir sous la toise,
Bien moqué, bien content, tendant le dos au vent,
Demeura Petit-Jean comme il était devant.

Petit-Jean était né dans le fond d’un village
Humide, sur le bord d’une lande sauvage.
Son père, qui faisait un peu tous les états,
Chômait souvent d’ouvrage et s’en plaignait tout bas ;
Sa mère s’obstinait au métier de nourrice ;
Elle avait six enfants et quatre de l’hospice.
Tout cela, sous le chaume à grand peine abrité,
Grouillait dans la misère et la malpropreté.
C’était, sans contredit, une race robuste,
Il n’en mourait aucun, mais ils vivaient tout juste.
En ce lieu misérable on avait toulours faim :
Quand les enfants voyaient une tourte de pain,
Avec des cris de joie elle était accueillie.
On vivait de gruau, d’avoine et de bouillie
De sarrasin ; la part était faite à chacun
Et celui qui rentrait trop tard dormait à jeûn.
Quand les enfants voyaient la bruyère allumée,
Ils tendaient en riant leur nez vers la fumée.