Page:Le Vavasseur - Juvenilia, Lemerre, 1888.djvu/41

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Vraiment fort à propos avant d’être malade,
Car je chante aujourd’hui ma dernière ballade
Et n’ai plus rien du tout à léguer, excepté
Cette enfant, — c’est un legs qui vaut être accepté :
Elle a sous ses haillons des grâces de madone
Et des charmes de Reine. — Ami, je te la donne. »
Jean Marot n’avait pas l’oreille de Midas :
Il accepta le legs de l’autre Eudamidas,
Il éleva l’enfant sans mollesse énervante
Et sans contrainte ; il fut content de sa servante,
Il l’aima pour sa grâce et sa gentille humeur
Et le charme piquant de sa verte primeur.
Elle était faible encore et souvent inhabile,
Mais celà du vieux Jean n’échauffait point la bile :
Le bourgeois sans malice acceptait sans dégoût
La fortune du pot et le sel du ragout ;
Le bas Normand, d’ailleurs, excusait le caprice
Qu’au pays la petite avait pris en nourrice,
Quand avec Basselin elle tétait céans
Le bon pommé de Vire et le vin d’Orléans.
Elle allait à la cave en fidèle servante,
Mais ignorait encor la cuisine savante
Et, suivant des naïfs l’usage universel,
Sur la prose jetait un petit grain de sel.