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fortunez. Entreprise I.


me il y a long temps, ma fille & la Fee ne ſont plus pour me tenir compagnie, il faut que vous qui eſtes belle, & accomplie & ornee de ſageſſe, ayez pitié de moy, & me viſitiez en ma ſolitude, (l’Empereur auoit mis la Dame de ſorte, que parlant à elle il pouuoit voir le geſte de la figure,) ie vous en prie, & quelquesfois quand nous ferons la muſique, pource que l’on m’a aſſeuré que vous y eſtes fort ſeure, & ie m’y delecte infiniment, & puis voſtre belle voix donneroit l’ame à la beauté du chant, principalement quand vous chanteries quelque bel ær. Promvstee, Sire, vous ſçauez que la pudicité, dont nous faiſons eſtat, eſt tant aiſee à calomnier, que nous n’oſons gueres laiſſer nos maiſons en l’abſence de nos maris, n’y hanter les bonnes compagnies ſans eux, & encor moins pour ſuiure le bel exercice de muſique qui n’eſt que pour les filles, & eſt mal ſeant aux femmes, qui ont le ſoin du meſnage, qui les deſtourne de ces belles gentilleſſes : parquoy, Sire, l’ayant diſcontinué, ie vous ſupplie m’en diſpēſer, ioint que ie crains les mauuaiſes langues, contre leſquelles ie me ſuis targuee, venant icy en la compagnie de ces Dames d’honneur, qui reſpondront de mes actions, & teſtifierōt de mon comportement en toute chaſteté. Tandis qu’elle parloit à l’Empe reur il auoit l’œil ſur ſa figure, qui rioit des yeux & de la bouche de ſi parfaite grace, que le ris ne pouuoit eſtre mieux imité. l’emper. Belle & ſage Dame ie louë fort voſtre bō propos, & ſerois marri qu’à mō occaſiō, il vous fut auenu quelque diſgrace, vous en vſerés comme il vous plaira, &c