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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/283

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Le uoyage des Princes

C’eſt trop patienter, il faut que ie me vange.
Deteſtant de l’amour toutes les trahiſons,
Celles qui trouueront ceſte reuolte eſtrange,
M’excuſeront poſſible, entendant mes raiſons.
Ie viuois franc de ſoing, ſans paſſion mauuaiſe,
Quád le plus beau des yeux vint ſur moy ſ’arreſter
Mais qu’eſtoit il beſoin pour offencer mon aiſe
Que cet aſtre cruel me vint ſolliciter ?
Que j’ay de deſplaiſir que mon humeur galante,
Se ſoit proſtituee à l’air d’vne beauté.
Or il eſt ordonné que mon cœurſ ſ’en repente,
Ie trenche donc les nœuds de ma captiuité.
Belle ne dictes pas que c’eſt vne priere
Que ie deſguiſe ainſi d’vn ardeur de courroux,
Vous m’auez tant faſché, que mon ame eſt ſi fiere
Qu’elle ne daigne plus ſe ſonuenir de vous.
Vous eſtes, il eſt vray, belle entre les plus belles,
Vos merites tenoient le premier rang d’honneur,
Mais vos façons eſtans ingrates & cruelles,
A droit vous deſcheés de ce rang de grandeur,
Vous m’auez faict depit, ie vous rendray depite,
Car ie meſpriſeray voſtre ingrate beauté :
Et deſtruiſant ainſi l’heur de voſtre merite
Ie ſeray malgré vous, encor en liberté :
Qui vous auoit contraint d’accepter mon ſeruice ?
Vous deſiriez auoir ceſte barre ſurmoy,
Auſſi i’ay bien cognu vos reuers de malice,
Deſquels vous me leurriez pour corrompre ma foy.
Vos yeux m’eſtaient ſi doux afin de me ſurprendre,
Vos diſcours ſe feignoient conduits de verité,
Vous vouliez triompher, ie voulois bien me rēdre
Ne me deffiant pas de voſtre legerté.