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Le uoyage des Princes


ſoin qu’elles ont de ceſte action de leur maiſtreſſe euſt ceſſé, & leur cœur ſe fuſt eſiouy de ce que elle n’a plaiſir certain que celuy qu’elle ſauoure aupres de l’eſprit tant aymé : telle eſt l’affection des ſages Dames, dont les delices ſpirituelles ſont les excellentes ioyes de leurs cœurs. Le tēps concedé à la Royne s’eſcouloit, & le terme s’approchoit, ſi qu’il falloit ou tout perdre, ou reſtablir ce qui eſtoit deſcheu : Auſſi conuenoit terminer, les ingrates fortunes du triſte Parroquet, ſelō le conſeil duquel vn iour que ce Roy vint viſiter la Royne, il la trouua en l’eſtat qu’elle s’eſtoit preparee paroiſſante dolente, & à l’apparence de ſes yeux battus, de ſon geſte r’abaiſſé, de ſa grace diminuee, & à la diſpoſition d’vne petite mignardiſe deſdaigneuſe, il sēbloit qu’elle euſt au cœur vne viue douleur ou quelque grand meſcontentement, dont il fut fort eſtonné & luy demanda auec demonſtration de vehement amour ce qui l’incommodoit & donnoit occaſion de ceſte triſteſſe. Elle luy vſa de quelques mignons propos comme auant-coureurs, & continuant dit, Il y a deſia pluſieurs nuicts que ie ſuis en grandes inquietudes, & me trouue fort en peine, & ſur tout approchāt de la fin du tēps que m’auez octroyé pour ma ſolitude, dont ie voudrois ia eſtre quitte, & que i’euſſe retranchee fort volontiers, n’euſt eſté que i’ay crainte d’eſtre eſtimee volage, & ie vous aſſeure que depuis cinq ou ſix nuicts les ſonges m’ont diuerſement agitee : Il me ſembloit vne fois que vous eſtiez courroucé contre moy, & que vous demandant pardon vous ny vouliez point entendre : vne autrefois