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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/465

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Le uoyage des Princes


apporter vne poule viue : Cecy auoit eſté fort biē aduiſé, par ce que c’eſt vn animal qui a le iugement tardif, à cauſe des organes qui ſont diuiſez au cerueau : & partant que l’ame ſeroit long tēps en ce corps auant que d’eſtre auertie, & peut vſer de ſes propres functions, & puis le corps en eſt foible au prix de celuy du parroquet, qui eſt plus nerueux, ce qui fut arreſté & conſideré, à ce que s’il ſe fuſt fallu battre le parroquet euſt eu le deſſus, ainſi tout preueu, la poule apportee, la Roy ne trouua moyen de faire ſortir ſes femmes, pour demeurer ſeule auecce Roy, lequel print la poule, & la tua, puis s’eſtant diſpoſé de ſon long ſur le tapis, inſpira l’ame dans la poule, la quelle ſe releua & chemina par la place vers l’autre bout de la chambre : à lors la Royne ſe mit entre le corps & la poule : & le parroquet, la cage ayant eſté ouuerte, ſortit promptement, & ſe ietta ſur ſon corps, & par la vertu d’inſpiration, reſpiration & expiration, remit l’ame dans le legitime corps, dont elle auoit eſté ſi longuement diſtraite. Alors le Roy ſe leua, ce que voyant la poule ſe trouua fort eſtonnee, ainſi qu’il eſt à preſumer : car qu’eſt-ce qu’elle peut plus ? les organes de ce malheureux corps n’ont rien de propre à la prononciation, elle ne peut demander miſericorde, de s’enuoler pour euiter le danger il n’y a pas moyen, tout eſt clos, de reſiſter elle eſt trop foible, il faut qu’elle ſe cache pour auoir quelque minute de reſpit & temps à ſe depiter puis perir. Et puis oyant le Roy luy dire Malheureux & meſchant traiſtre, que i’ay tant aymé, & m’as ſivilainement trahi, tu ſeras