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fortunez. Entreprise I.


s’eſtant tellement pour ce ſuiet addextree à tirer de l’arc, qu’elle pouuoit aiſément emporter le prix ſur ceux qui en faiſoient eſtat. Le Prince Roſolphe qui n’auoit iamais penſé, qu’il y euſt beauté capable de l’eſmouuoir, oyant ſi aduantageuſement parler de ceſte Demoiſelle voulut la veoir mais auec reſpect : pour à quoy paruenir, il s’enquit de la façon de viure de la belle, à quoy il s’accommoda ſi diſcretement & ſecretement, qu’aucun ne s’apperceut de ſon deſſein. Il ſceut que Feriſee ſelon ſa couſtume eſtoit à la chaſſe, & il prit fi bien le tēps, qu’il la trouua cōme par hazard, il auoit de la conſcience, & ſçauoit bien que quand les grands, & ſurtout de ſon rang, alloient viſiter les Dames, les meſdiſans en prenoient occaſion d’eſguiſoires à leurs fers, dont ils taſchent à frapper la reputation, Son entrepriſe fut prudente, & ſe trouua au lieu deſiré fort peu ſuiuy, comme reuenant de quelque partie faicte, & vint aſſez pres de l’endroict où la belle eſtoit, auec quelques Demoiſelles ſes cōpaignes ; il ne fut pas veu d’elles, d’autant qu’elles eſtoiēt attentiues à vn coup que Feriſee miroit, ce qu’ayant apperceu le Prince, il ſe haſta, & ayant l’arc en main, il deſcocha le premier & emporta l’oiſeau que la belle pretendoit ſeulement fraper, de ſorte qu’elle luy euſt emporté le pied & le bec. La belle ayant veu ceſte deception ſans ſçauoir d’où elle procedoit, vid la compagne de l’oiſeau bleſſé, s’enuoler, dont ſoudain pour n’auoir viſé à perte, enfonce ſur l’oiſeau volant qu’elle enfila de bonne grace. Ce coup fait, elle ſe deſtourna, & vid le Prince qu’elle cognoiſſoit pour l’auoir veu paſſer par la ville lors qu’elle


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