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fortunez. Entreprise IV.


qui ſe preſentoient ſous terre. Si vn courage laſche ſe fuſt hazardé à ceſte veuë, ſi vn cœur bas s’y fuſt aduanturé, mille frayeurs l’euſſent ſurpris à la rencontre des apparences qui peuuent quelquesfois eſpouuanter les plus aſſeurez. Et puis ce Prince qui ſçait que c’eſt des hazards, & la difference des feints aux veritables, tranſporté d’amour & d’aiſe de iouyſſance de bien futur, & du plaiſir qu’il a d’ouyr ce que raconte le vieillard, ne ſe peut effrayer des obiets paſſagers qui le viennent tenter : Incontinant qu’il eut deſcēdu l’eſcalier pour entrer aux allees & galleries, n’ayant pas pris garde à l’actiō de Meliquaſte, il mit le pied ſur le ſueil, & comme il ſe fut balancé ſur ceſte pierre, elle tourna, & ſans doute luy eut fait prendre vne triſte cheute, ſans qu’il ſe ioignit à ſoy-mefmes, & ſe tenant droit & ferme, ſe laiſſa porter à bas par le tour que la pierre fit ſur ſon centre & ſe trouua debout, & ceux qui y obeyſſent tombent, ce qui fut aduenu à l’Empereur, s’il n’eut eu honte d’eſtre pris au piege, où les petits eſprits ſe laiſſent ſurprendre, il mit ſus à ſon propre vice la faute qu’il auoit faite de n’auoir agembé ce pas. Ayant paſſé vn petit tour, il vid vn brillant comme de feu lumineux, & il ſe tourna d’autant que c’eſtoit du derriere qu’il procedoit, & il apperceut vn Dragon qui auoit de grandes æſles, il ſe tint fur pieds pour diſcerner ce que c’eſtoit, & s’arreſta attendant s’il approcheroit : auſſi faut-il attendre ce qui ſuit, & s’oppoſer à ce qui vient contre quand on ne les peut euiter. Meliquaſte paſſoit en haſte, & l’Empereur