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Page:Le bataillon de Cythère, 1902.djvu/16

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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

travailler pour leur compte ; cela se comprend à la rigueur : elles ne trouvent jamais qu’elles ont trop d’amants, l’ouvrage ne les effraye pas, et si elles ne sont pas encore parvenues à l’âge de prendre rang parmi les proxénètes, elles gardent pour elles les aubaines qui peuvent leur tomber.

Ce qui les perd parfois, c’est l’impudence avec laquelle elles affichent leurs amants de cœur — guerluchons en langage moderne — d’aucunes mettent une certaine ostentation à produire l’élu de leur choix ; celui-ci n’appartient pas toujours à la dernière classe de la société, ce n’est pas toujours un cocher ou un palefrenier, c’est parfois même un homme du meilleur monde, aux grandes manières, à l’allure pleine de distinction ; seulement, ce qui l’auréole aux yeux de la dame, c’est son absence complète de fonds ; c’est que c’est un pique-assiette mondain, qui va piquer jusque dans… l’assiette de l’amour, aux frais des autres ; en un mot, il ne casque pas ! Ce guerluchon-là finit souvent par un mariage d’amour avec une rôtisseuse de balais hors d’âge.

Il en est d’autres de condition plus infime, encore honorable, énamourés d’une dame dont l’entretien est hors de la portée de leur bourse ; ils obtiennent des entrées de faveur, ne paient que le droit des pauvres, c’est-à-dire les menues dépenses, et souvent avec ces menues dépenses ils pourraient avoir à eux presque seuls une charmante maîtresse ; mais le cadre serait moins brillant, moins doré, moins parfumé !

L’amant de cœur est une chose si nécessaire à la