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Page:Le bataillon de Cythère, 1902.djvu/24

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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

Elle a sur la peau le duvet pourpré de ses vingt ans. Les yeux et le nez d’une muse. La joue en fleur. Sur ses lèvres, le divin carmin de Mignard. Une chevelure d’un prestigieux caprice.

Banville n’hésiterait pas à déclarer sa gorge pétrie avec la neige des sommets sacrés !…

Il paraît que ses écrins sont comme des parterres d’astres et comme des jardins d’étoiles.

Eh bien, toute cette bijouterie ne lui coûte pas ça, pas ça, pas ça, comme chantait Judie dans Madame l’Archiduc.

Voici, d’ailleurs, son procédé aussi simple qu’ingénieux :

Depuis qu’un pas de deux, dans le dernier ballet, l’a mise en relief, elle va au foyer, de l’un à l’autre des abonnés, coquetant, babillant, sautillant, distribuant entre tous, avec un équilibre admirable, la menue monnaie du sourire, du serrement de main, du baiser furtif. Chacun se croit le préféré. Chacun se dit in petto : « Un dernier effort et j’enlève la place ! »

Et c’est à qui apportera une pierre plus précieuse que celle fournie par le voisin…

Mademoiselle X… encaisse tout et n’accorde rien davantage…

Enfin, un des donataires devint pressant et sollicita une échéance précise.

Mademoiselle X… ouvrit des grands yeux de vierge étonnée ; elle se fit répéter deux fois la question. Des larmes humectèrent soudain ses cils soyeux ; c’est à peine si son émotion lui permit d’articuler ces mots :