Aller au contenu

Page:Le bataillon de Cythère, 1902.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
LE BATAILLON DE CYTHÈRE

son incorporation accomplie ; à partir de ce moment, elle n’a plus rien à elle, mais, en revanche, elle est nourrie, couchée, blanchie… et volée. Le peu qu’elle gagne par ses pourboires revient vite à la caisse de la maison.

Et encore, pour cet abandon de tout son être, elles n’ont droit qu’à être respectueuses envers leurs tyrans mâles et femelles. La directrice de la maison, qui les exploite, les dépouille, les pressure, les considère de même essence que le négrier considère ses esclaves.

Lorsque Madame paraît à la table commune, tout le monde se lève et personne ne peut s’asseoir que madame ne se soit assise ; un mot grossier ou obscène se paye d’une amende. Cette pénalité est fréquemment employée ; les délits imaginaires sont innombrables et les punitions pleuvent comme grêle en mars, Ne faut-il pas que les pourboires reviennent à leur destination naturelle ?

La matrone est un bien joli type, exploitant son ignoble troupeau avec une majestueuse condescendance pour les vices des clients sérieux, sévère aux pensionnaires et aux galopins qui viennent faire flanelle dans son établissement.

Hors de leur caverne, elles réclament de la considération jusqu’auprès des employés de la préfecture de police, se plaignant de n’être pas toujours traitées avec les égards dûs à d’honnêtes femmes ; et le plus drôle, c’est qu’elles sont sincères !…

Exploiteuses et exploitées vivent cependant bien