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Page:Le bataillon de Cythère, 1902.djvu/32

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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

cendre, de se mettre à courir, convaincue qu’elle irait plus vite que la rosse qui la trimballait d’un trot endormi. Et tout Paris à traverser, une bonne heure à rester là, dans cette boîte, à se manger le sang ! Elle abaissa vivement la vitre, se pencha à la portière :

— Va donc, vieux ! Cent sous si ton cheval galope.

Le cocher allongea trois ou quatre coups de fouet au cheval qui rua, se secoua, allongea le trot ; quand la bête faisait mine de reprendre son allure paisible, le cocher la fouaillait.

— Qu’est-ce qu’il a ? Où est-il ?…

— Ah ! Madame !…

L’instituteur balbutiait, hachait des mots sans suite, sans parvenir à trouver la phrase consolatrice qui devait préparer la mère à souffrir, une phrase longuement triturée que son arrivée brusque, dans la nuit, avait fait fuir, et une lanterne dansait au bout des doigts tremblants du vieux qui restait effaré.

Du coup la femme comprit, son enfant était mort ! Tout ce qu’elle comprimait depuis longtemps sous un vernis de bon ton, exagérant les manières d’une vraie dame, qu’elle s’efforçait de maintenir, reparut à ce moment, sa nature s’épancha.

— Remue-toi un peu, fit-elle rudement, et prenant la lanterne que l’homme semblait ne plus pouvoir tenir, elle lui intima :

— Conduis-moi.

À pas traînants, comme s’il était paralysé, le bonhomme marcha vers l’infirmerie, une pièce sombre où dansait la lueur papillottante d’un bec de gaz à demi-