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Page:Le bataillon de Cythère, 1902.djvu/52

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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

Nous en aurions fini avec les jardins publics si à la tombée de la nuit nous ne voyions apparaître une pauvre jeune femme à l’air désolé, un mouchoir blanc à la main, dont elle tamponne par instants des yeux secs et brillants ; elle vient lentement à vous, et si vous n’êtes pas vertueux, si vous êtes seulement compatissant, vous n’hésiterez pas à lui demander la cause d’un si grand chagrin. Elle répond à peine, par mots entrecoupés, que vous n’écoutez pas, tout occupé que vous êtes à regarder se soulever, bondir une gorge appétissante.

Malgré votre Inattention, vous avez cependant compris que la pauvre fille se dirigeait

Sur les bords fleuris
Qu’arrose la Seine.

pour aller piquer une tête et terminer ainsi une existence qui lui est à charge depuis que son adoré l’a plaquée.

Vous empêcherez ce suicide, vous réconforterez la malheureuse par de bonnes paroles, un dîner plantureux et vous noierez ce gros chagrin dans le fond des verres. Après, je vous le demande, que pourra vous refuser une créature que vous aurez ainsi rendue à la vie…

Quand on pense qu’il y en a qui seront plus incommodées par une digestion pénible que par l’excès de leur reconnaissance, et qui profiteront d’une absence prétextée par le besoin d’air pour se trotter avec votre porte-monnaie qu’elles vous auront subtilisé, sous